Le Dernier Jugement
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LE JUGE 

     Vous affirmez dans vos papiers que tous les hommes sont Un.

JO CARAVANSERAIL

     Un ! Nous sommes tous Un ! Il suffit pour en faire l'expérience de basculer au-delà de la mort, cette fiction.

LE JUGE

     Vous notez également vos rêves, des rêves pour le moins étranges ; on les retrouve dans vos papiers. Par exemple celui-ci (je vous cite de mémoire) : c'est une colonne de déportés, tous juifs, qui avancent dans la nuit, entourés de nazis. A la tête des suppliciés, il y a un déporté pour le moins inattendu : c'est Hitler ! Votre rêve est délirant !

JO CARAVANSERAIL

     Délirant ? Pas sûr, Monsieur le Juge ! Qui sait si actuellement nous ne sommes pas tous dans un camp de concentration ? Qui sait si les nazis ne sont pas aussi des déportés ?

LE JUGE

     Vous êtes juif ?

JO CARAVANSERAIL

     Non, Monsieur le Juge, je ne suis pas juif, mais j'ai besoin de comprendre comment une abomination comme la déportation de six millions de juifs a été possible. Sans la complicité de toute l'Europe, elle eût été impossible !

LE JUGE

     Vous en pensez quoi ?

JO CARAVANSERAIL

     Je l'ai dit : la vie est ensorcelée ! Elle est un camp de la mort !

LE JUGE

     Et pourquoi donc ?

JO CARAVANSERAIL

     Parce que nous refusons d'attaquer le mal à sa racine : nous refusons d'envisager dans toute son ampleur la question de la mort.

LE JUGE

     La question de la mort ?

JO CARAVANSERAIL

     La question de la mort ! Tant que nous n'aurons pas vu et intégré que la mort est une fiction suscitée et... créditée par chacun de nous, nous serons tous, nazis ou pas, des assassins directs ou indirects !

LE JUGE 

     Le nazisme, de votre point de vue, ce serait quoi ?

JO CARAVANSERAIL

     Toute l'histoire humaine est nazie, Monsieur le Juge. Quant à la vie, avec son cycle vie-mort, elle est intrinsèquement nazie ! Tant que nous serons installés dans le nazisme de la vie, il nous sera très difficile, voire impossible, de ne pas  devenir un jour ou l'autre des nazis au sens strict. C'est du reste ce qui arrive régulièrement à n'importe quelle communauté humaine : elle explose dans un nazisme et les citoyens les plus irréprochables se mettent à massacrer des femmes et des enfants !

LE JUGE

     La vie est nazie ?

JO  CARAVANSERAIL

     Telle qu'elle est actuellement, sans aucun doute, Monsieur le Juge, et elle nous nazifie puisque nous finissons tous au cimetière ! Le nazisme est la réponse la plus délirante que l'homme donne au nazisme de la vie !

LE JUGE

     Le nazi est un imitateur du nazisme de la vie ?

JO CARAVANSERAIL

     Un imitateur du nazisme de la vie ! Mais c'est aussi la définition de tout assassin ! Pour ce qui est du meurtre, je crois qu'il s'agit toujours d'un vertige, un vertige provoqué par le décalage entre l'aspiration à être Un avec tous les hommes et l'expérience d'une vie qui interdit et rend ridicule cette aspiration... L'assassin est la proie de ce vertige ! Il ne supporte pas de voir le charnier que l'ensemble des hommes ont fait et font de la vie !

LE JUGE

     Le charnier que l'ensemble des hommes ont fait et font de la vie ?

JO CARAVANSERAIL

     Le meurtre est une maladie, Monsieur le Juge, une maladie dont nous sommes tous atteints. Le seul "crime" - et nous le commettons tous ! - c'est que nous ne tentons rien, rien de sérieux en tout cas, pour nous en guérir ! Nous pensons nous guérir du meurtre en faisant le procès de tel ou tel assassin : c'est une illusion mortelle, qui absorbe nos meilleures forces et nous interdit de comprendre que le meurtre est la maladie du collectif humain !

LE JUGE

     Mais enfin, Accusé, lorsqu'un assassin commet un meurtre, c'est bien lui qui le commet, lui et lui seul ! Lorsqu'un tribunal se penche sur le cadavre ensanglanté d'une malheureuse victime, il s'agit du résultat d'un meurtre !
Ce n'est tout de même pas un acte collectif !

JO CARAVANSERAIL

     Détrompez-vous, Monsieur le Juge ! Malgré les apparences, l'assassin est toujours un ensorcelé du collectif ! Il est mortellement mis en vertige par l'universelle absence et ce n'est nullement l'horreur de son crime - le cadavre de son crime - le cadavre ensanglanté de la victime ! - qui donnera, comme vous le pensez, la clé de son comportement ! Sauf à désensorceler le collectif, n'importe quel homme peut commettre et commet en effet tous les crimes de l'histoire ; il ne lui est pas nécessaire, pour les commettre, de les commettre effectivement, il lui suffit d'être branché sur l'énergétique de la mort ainsi que nous le sommes tous ! Si nous voyions réellement ce qui se passe partout, nous verrions chaque homme penché sur son semblable et ne faisant rien d'autre, sa vie durant, que le massacrer : c'est de ce meurtre-là, de cette folie-là, de cette démence-là que nous avons tous à rendre compte si nous voulons sortir du meurtre, et plutôt que de dresser des tribunaux, nous devrions désensorceler le collectif !

     LE JUGE

     Vous avez reçu en prison une lettre de votre complice et ami Veliti, qui est jugé cette nuit avec vous. J'aurais à l'interroger ultérieurement ! Veliti vous écrit de Tunisie, juste avant son arrestation. Il vous fait part de ses réflexions... abjectes que lui inspire un assassin russe dont il a suivi le procès à la télévision. Bien entendu, ces réflexions vont tout à fait dans votre sens. J'ai sa lettre sous les yeux. Comme celle de Baudot, je crois indispensable d'en donner lecture à la Cour (il lit à voix haute)
     "Très cher ami Jo, Eternel Compagnon de Route,
     As-tu vu à la télé ce film consacré au tueur russe Chikatilo : L'Ame de la bête ? J'ai retenu quelques unes de ses paroles: "Qu'est-ce que je peux faire? Je suis une sorte de monstruosité, une erreur de la nature ?" On lui demande s'il croit en Dieu : "J'ai prié toute ma vie... " Un moment de silence, puis il dit : "Je crois qu'il y a une intelligence là-haut !" Après avoir condamné Chikatilo à la peine capitale, le juge confia aux journalistes : "Je ne désespère pas encore de l'espèce humaine !" La signification inconsciente de ce dernier jugement sur l'espèce humaine est une invitation directe au meurtre. Le juge Chikatilo voulait dire : "Je suis sûr" que l'espèce humaine est capable de faire encore mieux que ce pauvre Chikatilo qui n'a tué que 55 malheureuses victimes !..." Au cours de l'audience, Chikatilo, accusé non seulement de meurtres mais aussi d'innombrables viols, montra son sexe à la Cour. Le juge a considéré que ce geste était scandaleux et a fait évacuer 
la salle. Or, ce que Chikatilo voulait exprimer par ce geste, c'est qu'il souhaitait rajouter un élément nouveau au dossier. Chikatilo voulait dire : "Aussi bon juge que vous soyez, vous devez aussi juger l'organe inférieur à cause duquel je suis injustement jugé par la société, qui a décidé de me condamner à l'humiliation perpétuelle parce que j'avais un sexe maboule : il s'est mis à itinérer un jour, sans mon autorisation, et à faire des bêtises, et si vous l'aviez honnêtement considéré, vous auriez vu, Monsieur le Juge, que le conducteur de ce  sexe rebelle, ce n'était pas moi, mais c'était vous ! C'était la foule ! C'était le peuple russe ! C'étaient les hommes vivants ! C'étaient même les morts, qui tous sont entrés dans mon sexe, et l'ont mené à faire ce que moi, si j'avais été le plus fort, je l'aurais empêché de faire ! Mais seul contre tous, qu'eussiez-vous voulu que je fisse, Monsieur le Juge ? Pauvre de moi qui n'eus pas la force de le juguler ! Pauvre de moi qui n'eums pas la force de vous faire tous sortir de lui ! Pauvre de moi qui n'eus pas la force de lui faire raison garder ! Et pauvres de vous, frères humains, qui au lieu de me donner de la force, vous êtes diaboliquement emparés de la mienne ! Et maintenant, ce sexe, qui fait cavalier seul, est en train de nous tirer tous - vous et moi ! - vers la tombe ! Ainsi, le seul inculpé dans cette affaire devrait être ce sexe hallucinatoire, que vous refusez de voir, me confondant injustement avec lui !"
     Après sa condamnation à mort, Chikatilo dégageait une innocence de bébé et une sérénité de prophète. Il semblait joyeux à l'idée que dans quelques jours, il n'aurait plus affaire à ses juges. Ce qui est passé totalement inaperçu dans ce procès, c'est le meurtre commis par la société entière sur Chikatilo pendant toute sa vie. Or les meurtres commis par Chikatilo sont la représentation spectaculaire des meurtres indirects commis globalement par la société. Staline, à lui seul, aura tué des millions d'hommes pour venger la "monstrueuse réalité" d'être Staline sans être immortel. Pourquoi donc reproche-t-on à Chikatilo de venger l'humiliation d'avoir été toute sa vie humilié devant le bon Chikatilo, le Chikatilo... immortel, que nul ne reconnaissait en lui ? Staline est mort dans son lit et les millions de Russes qu'il avait réduits à la servitude ont pleuré lors de son enterrement. Chikatilo, lui, sera exécuté d'une balle dans la tête par la société entière... Je décèle dans le procès de Chikatilo et dans les meurtres qu'il a commis le scénario caché de la grande imposture générale, qui consiste à maquiller le meurtre collectif indirect et permanent, en imposant à tous une morale et une loi qui depuis des millénaires, innocentent le troupeau en désignant une brebis galeuse. Jo ! Je suis au bord du gouffre ! Salut ! Mohsen."

     Bon ! Suffit pour Veliti ! Revenons à vous, Caravansérail ! Pour reprendre vos propres termes, il s'agirait aujourd'hui non de juger mais de "désensorceler le collectif " ?

JO CARAVANSERAIL

     Au point où en sont les choses, il n'y a qu'une seule chose à faire : travailler envers et contre tous, à cisailler les "barbelés de la mort" qui maintiennent l'humanité entière, victimes et bourreaux, à l'intérieur du camp de la mort qu'est actuellement la vie, ensorcelée par le collectif !

LE JUGE

     C'est ce qui explique votre rêve d'un Hitler en tenue de déporté, marchant à la tête d'une colonne de suppliciés ?

JO CARAVANSERAIL

     Parfaitement, Monsieur le Juge ! En l'état, nazis, juifs et ... autres, nous sommes tous des... déportés !