Petit Dictionnaire
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Amour.

L'amour confère la singularité, et avec elle, l'existence à tout ce qu'il touche.

" Je t'aime " signifie " tout est possible ".

Aimer un être, c'est croire en lui, même si lui-même n'y croit pas.

L'amour te maintiendra la tête hors de l'eau et t'amènera à bon port.

Les réductions aberrantes du mot " amour " sont la forme du démoniaque.

Participer c'est aimer.

Aimer est une attitude a-logique.

Ils pressentent que le secret de l'amour, qu'il soit humain ou divin, c'est non pas la destruction et la mort, mais l'indestructibilité et la vie.

La honte d'aimer est la seule maladie de l'humanité : sa maladie cosmogonique.

C'est le désir non médiatisé par le Royaume qui fait problème .

Devenir un rédempteur signifie agir l'amour.

Je suis tout et tous dit l'homme logique, je suis tout en tous dit l'homme a-logique.

La réalité aura été subvertie par l'amour et l'amour, ayant fait advenir sa transparence sera le lieu de personnes à jamais joyeuses et indestructibles.

Au lieu d'aimer chaque créature dans sa particularité splendide, il se persuada qu'il fallait aimer le grand Tout.

Ils s'aiment comme ils aiment Dieu, en communiquant par la médiation de la transparence, laquelle opère le prodige de transformer l'infini qui les sépare de la fin en une distance infinie.

Les battements de leur cœur, rythmant leur amour, rendaient mobile la création ; celle-ci les adorait, comme ils s'adoraient eux-mêmes.

Ils allaient de ravissement en ravissement, ils connaissaient par extases et non par images.

Ils n'ont conscience ni du temps, ni de l'espace ... ils sont le temps et l'espace, grâce à la bénédiction du Dieu-vivant avec laquelle ils se confondent.

Chacun est pour l'autre un singulier comme adorateur, et un universel comme lieu adorable de la création.

Ils enfantent la joie comme ils enfantèrent jadis des enfants.(...) La joie métamorphose la création entière qui devient pareille à un enfant jouant parmi eux.

L'amour véritable fait de l'attraction sensuelle une attraction analogue à celle de l'âme pour Dieu.(...) Les corps s'attirent car l'aimé et l'aimée sont présents, irremplaçables et uniques dans la moindre parcelle de leur cœur.

Adam et Eve se connaissent si bien que chacun d'eux, complètement intériorisé en l'autre, est devenu comme une forme puisant sa propre mobilité dans l'être de l'autre.

Elle sait intuitivement, contre son expérience immédiate, qu'ils sont l'un à l'autre de toute éternité, et que nul imperium de ce monde ne saurait les séparer.

La connaissance extatique qu'ils ont l'un de l'autre est indissociable de leur conscience d'immortalité de leur conscience d'immortalité parvenue à la joie sublime de son entière expansion joyeuse.

Ils ont conscience de progresser ensemble, selon le même rythme dans l'Eden.(...) Leur avancée est une progression joyeuse en eux-mêmes.

Adam et Eve s'adoraient : chacun connaissait l'autre comme lui-même.(...) Puisant l'un en l'autre, ils se nourrissaient de rien et leur cœur ruisselait de joie.

Ils sont indivisibles et cependant deux unis comme avec Dieu, et chacun cependant est irréductiblement l'autre de l'autre, dans sa singularité la plus intime, la plus poétique.

Entre l'homme et la femme, les péripéties du désir amoureux sont en tous points analogues aux mouvement de la grâce qui règlent leur relation avec le Dieu vivant.

Chacun porte en lui-même l'exigence, et s'il en est capable, la faculté d'attendre la personne qui, de toute éternité, est destinée à ce qu'il l'aime.

La rencontre de l'aimée avec l'aimé est l'événement inouï qui se produit quelquefois.

Parfois ce monde, que les justes ont à délivrer des effets de la chute, cesse de faire obstacle à nos désirs les plus fous et ceux-ci qui eussent été exaucés à la fin, le sont dans l'instant.

Art.

La beauté est la rédemption et le pouvoir qu'a l'homme de la susciter.

L'art immole la beauté à ses erzatz.

Sans la beauté qu'irradie le coeur de l'homme, la beauté du monde devient maléfique.

Tous les arts autres que la communion sont des idolâtres logiques du seul art véritable.

Faire des images c'est légaliser symboliquement la mort, et justifier la mort contre la vie.(...) Faire des images c'est légitimer la mort, c'est expulser l'homme du royaume.

La mort véritable n'est pas le trépas (...), mais l'exil.

L'imaginaire est l'adaptation au fantasme de mort.

L'art comme anti-destin est la négation de l'homme célébrée à la place de l'homme, un culte terrifiant et inconscient rendu par l'homme à sa propre inertie.

L'image est un effet direct de l'idolâtrie de l'exil puisque l'humanité évolue dans le fantasme et dans la pensée logique puisque c'est parce que nous ne sommes pas dans notre lieu que nous avons recours à la construction et à l'interprétation imaginaires.

Or des êtres qui ne fabriquent plus d'irréel il y en a peu. Don Quichotte est aussi le méconnu parce qu'il est inspiré. Autour de lui, tout le monde est pétrifié par l'imaginaire : une vraie maison de fous où chacun fait comme s'il était libre, obéissant à son inertie implacable

Christianisme.

Le christianisme a fonctionné à son insu en système d'assèchement de toutes les adaptations à ce monde.

Aujourd'hui, c'est un véritable cri de terreur qui jaillit : " la mort était notre Dieu ! ", et c'est le dévoilement de l'insupportable identification de " Dieu " et de la mort effectuée frauduleusement par le christianisme qui révèle - depuis le dépassement du nihilisme -l'aberration suicidaire qu'aura été le christianisme.

La foi chrétienne : une foi fausse, un nihilisme, et l'aménagement tragique et suicidaire de la réalité mortelle par les chrétiens.

Le christianisme, même s'il perd du terrain en apparence, conserve intacte sa position de " gardien de la foi ", et sa mystification est rendue comme insoupçonnable : " la foi est de son côté, et de l'autre est le nihilisme ". En fait, la " foi " chrétienne, en ce qu'elle interdit le royaume, est une foi fausse, et le " nihilisme " qui lui aussi interdit le royaume, est une foi toute aussi fausse (...) (il reste un effet direct et chrétien du christianisme.

Diviniser : piège apocalyptique qui nous pousse à nous entre-dévorer. Le christianisme a fait de Jésus divinisé l'alibi formidable de son impuissance à le rejoindre.(...) D'où les mythes des paradis perdus.

Saint Paul, selon sa propre estimation, était un raté existentiel. Qui est-il cet homme qui, brusquement, devient chrétien (dans un sens qu'il invente), divinise Jésus, et formule dans ses épîtres la conception de la vie et de la mort qui deviendra la clef de voûte de 2.000 ans d'histoire jusqu'à l'époque la plus moderne ?

Il succombait, avec le christianisme à la tentation inquisitoriale d'idolâtrer un homme, idolâtrant en lui sa propre image (une substitution au véritable Moi non advenu).

Le concept de péché originel a pour fonction d'interdire à l'homme l'exercice d'une liberté inouïe qui lui permettrait de provoquer la transmutation en légèreté de la pesanteur du réel.

Le saut : Substituer le moment de l'entrée dans le royaume à la foi dans le Christ-Dieu néantisante ; puisque celle-ci se révèle néantisante sur toute la terre et révèle qu'elle a toujours été telle, sa prolongation devient elle-même impossible.

Le péché ou la peur d'être soi.

La science du bien et du mal est l'auto-proscription de notre moi, une perte de la liberté.

Le christianisme est le refus et la négation paroxystique du Moi humain ; il conduit à un monde qui tue.

Expier la culpabilité est une mystique de la proscription du Royaume.

" Cela est bien, ou cela est mal ", signifie en fait : " Voici dans quelles limites je dois être ".Elles exigent et obtiennent de moi le renoncement à mon absoluité. Ces limites impliquent que je suis mortel.

Le péché n'est pas la perte du lieu, mais la perte de la perception d'être dans le lieu. .

L'irréel où il se croit être installé se révèle irréel et, par conséquent inhabitable.

Adonnés à la proscription mentale de leur Moi, les hommes refusent de constater que le Royaume est partout.

Pour les chrétiens d'Eglise qui consentaient à ce non-lieu, les catharsis régulières de leurs confessions et de leurs soumissions simplifiaient toutes les difficultés.

La charité est impossible s'il n'y a pas d'appel appel au lieu.

Le prochain est hors du lieu parce qu'il est hors de lui-même, et sa formidable perversion qui fait de lui un assassin dans le secret, ne saurait avoir d'autre cause.

La charité peut, séparée du Royaume, produire des effets infernaux ; elle peut s'approprier l'universalité véritable et existentielle du Royaume et la changer en une fausse universalité.

La charité est aussi ensorcelée par son appartenance à une logique, et ne peut s'exercer que dans cette appartenance. Elle vise à faire perdurer un monde où sa nécessité est supérieure à ses propres buts, parce qu'elle vise à la perdurance d'un monde où l'expérience du " péché originel " (de la soumission et de l'échec humain complet dus à l'idolâtrie de l'exil), est sa propre condition de possibilité. C'est une charité feinte puisqu'elle a le besoin totalitaire de s'exercer.

Ils cherchaient les lieux du malheur et de la misère afin de donner à leur charité un champ qui fût à la mesure (infinie) de leur volonté d'expiation.

L'idolâtrie de la Pesanteur inhérente à la croyance en le " Christ Dieu " (et présente dans le dogme du péché originel) est le foyer énergétique de la charité chrétienne. Elle vise à faire perdurer un monde où sa nécessité est supérieure à ses propres buts.

D'où vient la colère, la fureur, le rugissement de l'Apocalypse ? Nous nous retrouvons aussitôt en face de notre époque :Tout vient de l'impuissance du christianisme à organiser la vie humaine, à nous donner une vie terrestre. Jésus aura fait des chrétiens, avec une intelligence extraordinaire de toutes les impasses historiques, des forçats de l'inouï.

La transformation du lieu léger (originel) en lieu pesant (actuel) est le résultat du passage dû à notre vice mental, de l'arbre de vie à l'arbre de la science du bien et du mal ; la transmutation de la légèreté en pesanteur est le résultat constant de notre vice mental.

L'antisémitisme est la frénétique passion des hommes privés de Dieu.

La violence contre les juifs est la négation forcenée de la judéité de Jésus.

Le salut devenait plus grand que la personne, il devenait plus grand que la vie même.

Le drame des premiers chrétiens : ne pas avoir la fore de suivre Jésus jusqu'au bout, en entrant dans ce Royaume, que Jésus leur désignait comme étant eux-mêmes et comme étant partout.

Jésus, en attelant malgré eux les hommes de l'histoire à la tâche de nommer le Royaume en le niant, a posé une limite dans le temps, atteinte aujourd'hui dans le nihilisme, à la capacité humaine (et chrétienne) de nier le Royaume.

Le nihilisme est le jugement que le christianisme porte sur lui-même, c'est une possibilité trahie.

Capitalisme, marxisme, nihilisme, christ divinisé..., ou consécration de l'impossible Royaume.

Le christianisme s'est étendu à toute la terre et a perduré dans le capitalisme et dans le marxisme qui furent son horizontalisation.

L'ascète est entièrement dominé par ce monde puisqu'il ne conçoit qu'une attitude de refus de ce monde dont il s'effarouche. Il se réclame de motifs théologiques, c'est à dire moraux, pour justifier sa peur. Il l'inverse, en essayant de la nier complètement ; mais en la niant, il la reconnaît et en la reconnaissant, il l'absolutise : il succombe plus qu'aucun autre au totalitarisme de la mort irréelle.

Le fourvoiement mental dû au fruit de la science du bien et du mal est le seul responsable de la séparation entre le dedans et le dehors, entre la volonté individuelle et une prétendue volonté cosmique néantisante, qui n'était qu'une mise en image et en symbole des volontés humaines fourvoyées.

Le christianisme : le manque et l'organisation du manque.

En vain, les papes et autres inquisiteurs, tiennent-ils au dessus du charnier le discours moralisateur de l'aménagement du charnier. En vain, essayent-ils de faire admettre l'inadmissible et l'intolérable à des hommes qui ont cependant l'habitude d'admettre l'inadmissible et de tolérer l'intolérable. En vain, l'aménagement spirituel, religieux, moral, politique du charnier est-il tenté par les proscripteurs du Royaume(...). La grande farce immonde arrive à son terme.

Le bien moral qui moralise l'être logique établit la domination de la mort partout, et mettant la mort à la place de la vie, en évacuant la liberté, met la vie hors de la vie.

C'est le Bien, serviteur de l'être logique, qui enferme ainsi l'histoire dans les limites éthiques de l'Inéluctable et de l'Irréversible, c'est lui qui fait de l'existence un exil, parce qu'en l'incarcérant dans des catégories d'impuissance, il astreint l'humanité à la soumission.

Chute.

Adam, à cause d'un premier mouvement servile, sombra dans l'angoisse du Non-être, et cette force affreuse prit possession de sa volonté qu'elle subjugua complètement.

Inapte à l'amour, il s'enorgueillit d'appeler " amour " son inaptitude et au lieu d'aimer chaque créature dans sa particularité splendide, il se persuada qu'il fallait aimer le grand Tout, qui était l'abstraction sinistre et inexistante à laquelle il immolait les joies de la terre.

Il eut recours ainsi à des valeurs qui enregistraient et légalisaient son impuissance en le contraignant à penser et à agir en fonction d'elles, adorées par lui comme la volonté suprême.

Il devint alors un destructeur car il était contraint, pour ressentir son existence de nier tout ce qui l'entourait.

L'homme est devenu si petit qu'il n'est plus que l'ombre de lui-même ; pour le voir il faudrait un microscope. Il a oublié sa ferveur et sa puissance, il a oublié sa ferveur et sa blessure. Qu'a-t-il perdu ? l'audace.

Alors il fut comme privé du Royaume. Au lieu de celui-ci, qui était son seul et véritable lieu, il produisit le fantasme, non lieu qui l'exilait, et s'efforça en vain de s'y situer. C'est alors, frustré de toute plénitude, qu'il eut besoin, pour justifier son acte d'allégeance au fantasme, de valeurs morales.

La " vérité " (matière etc...) supplantait la réalité.

On troqua pour avoir, et on entretint par le besoin du troc l'instinct, maladie morale de la volonté qui mémorisait l'absence de communion et d'amour.

L'homme, s'inscrivant dans les limites spatio-temporelles de l'histoire de la peur, réitérait sans trêve le mouvement de son renoncement à être lui-même ; et tandis que libre il était royal et immortel, servile il suscitait la dichotomie du dedans et du dehors, la fatalité de l'impuissance et du trépas.(...)La peur, c'était elle qui provoquant la dychotomie entre chaque être et lui-même, entre chaque être et la réalité, agissait comme une médiation atroce, déformante et terrifiante. L'histoire de la peur, l'immémoriale histoire de la peur était celle de l'inversion de notre statut originel dont résultait pour tous la fabrication d'une contre-réalité fatale, dure, mortelle (...), fantasmatique.

Le péché terrifiant qui vicia et vice encore tout pour peu que nous ne le débusquions pas, ce fut de succomber à une pudeur qui n'était rien d'autre que la croyance en la matière pesante(...), et cela fit qu'au lieu qu'il y eût des êtres libres, légers, joyeux et entiers, il y eût des êtres asservis, l'homme et la femme, lourds, sombres, diminués, maladifs, moribonds, des parcelles d'êtres, cristallisant sur l'idée d'une matière, une matière cristallisant sur l'idée d'une mort, une mort cristallisant sur l'idée d'une vérité fatale et fausse.

Privés de la liberté, et avec elle de leur être, ils établirent leur être sur leur sexe, lieu fantasmatique de leur différence.(...) Au lieu de constater joyeusement qu'ils avaient un visage et que leur " corps " était aussi subjectif que leur visage, ils se persuadèrent qu'ils étaient sexe et que leur différence était d'être mâle et femelle. Ils succombèrent à la loi des genres qu'ils créaient eux-mêmes et introduisaient ainsi dans leur être l'implacable inertie.

Il y avait eu Adam et Eve, et maintenant il y avait à leur place mâle et femelle ; Ils ne sont même pas capable de penser " je t'aime ".

Lui, (dans son refus d'elle), cristallise sa terre et sa honte d'être inexaucé. Elle, devenue semblable à la sirène qui le séduisit, idolâtre le don d'elle-même ; craignant d'aimer plus qu'elle n'est aimée, elle le repousse furieusement. Ils veulent ce qui les horrifie, ils refusent ce qu'ils adorent.

Le conformisme fit son apparition. Chacun voulut être plus fort que le voisin et chaque femme voulut être forte par le caractère sagace et rusé de sa soumission à l'homme. L'homme se vengea sur elle de n'être capable que de fureur, elle se vengea sur ses enfants de n'être capable que de soumission.

Elle se lia à la mort en se liant à l'homme puisque l'homme, dans ses tables, avait sacralisé son absence. L'enfant fut la victime de ce drame athée entre l'homme et la femme. Il reçut de leur pédagogie l'image du non-homme et de la non-femme, qui sous la forme d'évaluations morales, se liaient à une identité d'exil. Le délire parental le rendit délirant et, de ses propres parents, il reçut le ferment psycho-somatique de sa propre mort.

Et d'ailleurs, je comprenais maintenant qu'il n'y aurait plus ni naissance ni mort, comme il n'y en aurait plus aujourd'hui si cette vengeance obsessionnelle que chacun poursuit contre tous ne suscitait pas la mort et ne nous y condamnait pas.

Je découvris que le péché le plus originel ce fut de discriminer entre Adam et Eve, de dénouer leur harmonie onctueuse et légère ;(...) Ce fut de succomber à une pudeur qui n'était rien d'autre que la croyance en la matière pesante et formidable dont découlait l'idée du corps, la plus pesante des idées, une idée qui rendait en effet le " corps " pesant ; et cela fit qu'au lieu qu'il y eût des êtres libres, légers, joyeux et entiers, il y eût des êtres asservis. " L'homme ", " la femme ".
La civilisation est un musée de la chute. La civilisation présente comme des réalités tout ce qui empêche l'homme de vivre librement(...) Aussi
recherchait-il non la communion mais la domination.

Nous avons mis dans nos caves ce qu'il y a en nous de plus sacré, et maintenant, tels des usurpateurs, nous nous sommes installés dans le château et n'entendons plus les cris déchirants de l'inouï.

En chargeant Caïn de tous les crimes nous avons fait du crime l'action irréversible, et du remords la répétition du crime.

En dressant le châtiment comme seule réponse concevable au crime, nous avons expulsé le Pardon. Le pardon est le lieu du monde, en accueillant l'inouï tous le découvriraient. Mais une fois le pardon expulsé l'homme s'est installé dans l'exil.

L'exil, en effet, ce n'est pas d'avoir quitté l'Eden une fois, c'est d'être perpétuellement entrain de le quitter.

Naissance et mort dramatisaient, selon une chronologie symbolique et symboliquement fatale, l'histoire de notre croyance en la réalité de la matière qui pourtant n'était que fantasme. La vérité ainsi, légalisation extrême de l'exil et de ses tortures, supplantait la réalité.

Tout se mesura et s'acheta, même la liberté : il y eut des maîtres et des esclaves. Il y eut des lois, il y eut des idoles. On troqua pour avoir et on entretint par le besoin du troc l'instinct, maladie morale de la volonté qui matérialisait l'absence de communion
et d'amour.

On oublia que l'avoir, lieu du besoin et de sa reconversion, était le foyer irréel générateur de la mort et de toutes les catastrophes.

Etre, voulant s'harmoniser avec avoir, être se matérialisa, se quantifia, se commercialisa, et mourir expulsant vivre presque complètement, l'histoire de notre vie se changea en l'histoire de notre mort.

Dieu

Accueillir Dieu c'est essentiellement s'accueillir soi-même.

Dieu est le lieu de l'homme et de tous les hommes.

La création transfigurée est la passion de Dieu pour l'homme,(Dieu est non pas l'Autre, mais le lieu de l'homme et de tous les autres hommes qui deviennent alors autant de prochains), pour l'humanité, et par conséquent est aussi la passion de Dieu pour Don Quichotte ; Elle est annonciation de la joie universelle, vivante, secrète, ardente, délicieuse et attentive à chaque créature...

Il n'y a pas de mort pour l' Esprit, mais il n'y a pas d' Esprit pour la mort. Dieu est le Dieu des vivants et non le Dieu des morts. Au-delà de la mort, il nous attend dans le secret, et au-delà de leurs cadavres, sont les morts.

Dieu est au-delà de tout concept, là où il n'y a plus de logique ni de concept, où la réalité devient existentielle.

Dans le point, racine de chaque être, tout est déposé, et la rédemption lumière qui nous anime, astre qui nous guide, est attentive à tout ce qui se passe parmi nous, pour un jour où tout sera accompli, supprimant à jamais le despotisme de la terre.

Il n'y a rien d'extérieur, ni dans le ciel, ni sur terre, au cœur de l'homme qui est une cosmogonie.

Dieu est le vide qui n'existe pas ailleurs que dans la liberté de l'homme et dans la beauté inouïe d'une création créée pour l'homme.

L'imitation du Dieu vivant est une entrée vivante dans le vide.

Moi, Adonaï, Dieu unique et souverain, être et lieu, mobilité et passion, résurrection et vie.

Je comprenais qu'en se liant à la légèreté, en se confondant avec elle, et en l'incarnant, Israël lié à la vérité première, n'était pas lié à la preuve mais à l'évidence.

La foi était le signe invisible de la vérité première, la force était le signe de la vérité seconde.

Dieu, lié à un déterminisme garantit et cautionne l'impuissance de l'homme.

Pour Dieu, l'avenir est non prévu, mais pré-vu.

Au début Dieu était le Vide, et s'offrir à la moindre parcelle de Vide, portait à une communion ardente et joyeuse.

Dieu est liberté, il marque la rupture avec tous les déterminismes et l'affirmation pathétique du droit à la joie de chaque individu.
Si Dieu n'existe pas, tout est permis ! C'est oublier :
1) Qu'une liberté permissive est la pire des contraintes,
2) que Dieu étant le lieu du monde, supposer qu'il n'existe pas implique que l'on soit exilé et qu'ainsi l'on obéisse à la détermination propre à l'exil.

De même que la réalité véritable, Dieu, à la racine de la création entière et de chaque créature, était essentiellement liberté et vie, et, écrasé par la pesanteur humaine. Il était dans sa prodigieuse et continuelle Attente, le grand Présent-Absent de l'histoire : il était là où nous étions, mais l'ignorance que nous étions là où Il était avait inscrit dans la réalité entière la distance faussement infranchissable qui nous séparait de lui

Dans un esprit et dans un corps, Abraham et Moïse lui étaient apparus. Il les avait tirés du point secret où au-delà de la mort et de la vie morbide, au-delà des constructions craintives et des drames de la peur, l'entière communauté des hommes et des femmes attend d'épanouir ses ferveurs dans l'ensemble des réconciliations de la terre.

Ainsi, dans les Evangiles, voyons-nous le Juif de Nazareth faire apparaître Abraham et Moïse en se transfigurant, et discuter avec eux.(...)Il connaissait le secret de leur résurrection, et dans un lieu très secret en lui-même, pareil à un point qui est dans tous les coeurs, il percevait les morts vivants et ardents, aussi réels enfin que les vivants.

Même si la justice régnait partout, le foi devrait rester une volonté de marche vers l'Ailleurs, dans l'Ailleurs, et ne jamais se contenter de ce monde.

" Je vous le dis en vérité, quiconque aura dit à cette montagne : soulève-toi et jette-toi dans la mer, sans hésiter dans son coeur et avec certitude, verra l'accomplissement de sa parole. Voilà pourquoi je vous dis : quelle que soit la demande que vous faites à Dieu, croyez d'avance qu'elle vous est accordée, et de fait, elle vous sera accordée " (Evangile selon St Marc).

L'absolu et l'innocence sont indissociables et sont liés tous deux comme les deux faces d'une pièce de monnaie.

Il faut préserver envers et contre tout, au risque même de la mort, la relation vivante avec l'absolu.(...) Parce qu'en dehors d'elle, tout, même la joie, est une malédiction épouvantable.

" Si Dieu n'existe pas, tout est permis ", disait l'un des personnages de Dostoïevsky. Mais on sait que cette liberté est essentiellement la découverte du non-sens de tout, et que pouvoir tout, là où rien n'a de sens, est la définition parfaite de la servitude.

Le contraire d'être un Dieu, c'est être un lâche. Les hommes se métamorphosent en logiciens, pour la seule raison qu'ils sont lâches.

Douleur/joie.

La douleur et la joie ne sont pas des contraires. La douleur est de la joie sur laquelle est déposée la pesanteur, une expression de l'immortalité.

Souffrir, c'est percevoir l'inversion de l'Eden provoquée par les idoles logiques.

Le désespoir le plus profond est une forme de la foi.

Rien de ce qui est horrible n'existe en soi et, par conséquent, rien de ce qui est horrible n'existe à jamais.

C'est par eux-mêmes qui ont perdu toute espérance que les bourreaux sont suppliciés.
Les sacrificateurs des juifs étaient prisonniers d'un camp de concentration cosmique et ne supportaient pas cette mise en évidence de leur situation par les juifs, parce que, de leur point de vue, elle parachevait leur supplice. L'homme historique place sa passion à s'adapter à la coupure viemort, tandis que les juifs ont mis leur passion à dénoncer comme le seul péché et le seul crime l'idolâtrie, cette volonté fatale d'adaptation.

Le scandale est partout (...) dans les ardeurs multiples et dans les sensualités sauvages destinées à nous faire sortir de l'ennui, dans les voluptés innombrables, extases misérables destinées à combler pour nous l'exil irrémédiable.

Etre éprouvé dans les circonstances les plus scandaleuses de ce monde et les plus propres à justifier le néant et la mort, c'est être sommé de choisir la vie.

Le malheur est perçu horizontalement et s'il scandalise il est en même temps banalisé. Dans le monde horizontal il n'y a aucune possibilité d'insurrection.

L'absolu est insaisissable dans les catégories de ce monde parce qu'elles résultent de son expulsion.

Nous ne voyons pas l'exigence de joie parfaite qui s'exprime de tout homme. 

Le paradoxe de la joie c'est qu'elle est un jugement qui est toujours rédemption et pardon.

La joie est un continuum de participation subjective au Royaume perçu et suscité par le coeur d'un homme..

La joie n'est jamais logique, le malheur n'est jamais logique.

A propos des bourreaux : Dès lors, la plus petite espérance, la plus petite joie exprimée autour d'eux sera ressentie comme un supplice(...) Ils ne supportent plus la moindre manifestation de vie réelle parce qu'attaquant leur ascétisme elle leur démontre que la vraie vie est possible et qu'ils n'ont plus la force de la rejoindre, eux qui n'ont plus la force d'échapper à la résignation.

Loin de demander l'inouï, ils demandent une compensation.

Vivre le malheur comme la réfutation complète du royaume, ou le vivre comme le signe que nous sommes tous dans le royaume, est le choix essentiel que nous présente l'Epreuve. Dans le premier cas, même lorsque nous serons préservés du malheur, nous connaîtrons la frustration irrémissible de l'échec et de l'inaccomplissement.

Transformation, transmutation du malheur en ferment de la Rédemption.

Ne pas douter de ce qui est, mais douter de ce qui interdit que la joie se déploie.

Tout est providentiel, même le fantasme, puisque le mouvement de la subversion du fantasme transforme les moments les plus catastrophiques en moments de naissance et de légèreté. Il n'y a donc, à la seule condition d'irriguer notre providence par la capacité que nous détenons, d'attendre jusqu'à la Fin. Aucun risque de manquer l'ultime avènement qui exaucera tous nos désirs.

La volonté individuelle sera, dans le cœur de chaque personne, devenu une création. Dans cette création divinement heureuse, vouloir et pouvoir seront réunifiés ; il n'y aura plus de souffrance.

La seule fatalité : ignorer que nous sommes dans l'Eden. La seule urgence est de supprimer cette croyance. Supprimer cela c'est supprimer la mort, c'est déclencher immédiatement la résurrection des morts.

C'est la joie seule qu'il faut désirer, mais c'est l'infini de la souffrance qu'il faut être capable d'accepter pour sauvegarder, s'il le faut, l'infini de la joie.

S'ils ont à renoncer à quoi que ce soit c'est à l'immédiateté de la plénitude et non pas à l'immédiateté de leur émancipation.

Le souverain bien : la communion avec tous, qui le ferait échapper à jamais à la souffrance et à la mort.

Don Quichotte.

Don Quichotte a recouvré la spontanéité créatrice, la perception sans néant ni mort, la providence sans fatalité(...). Il n'a qu'à être pour répandre la lumière.

Don Quichotte est le scandale, la liberté, le verbe, la fantaisie, l'individu qui dénonce ce monde en remplaçant au premier plan ce refoulé de la civilisation qu'est l'altérité universelle.

La fantaisie est l'art de transformer le monde logique en monde existentiel, c'est vivre selon notre propre volonté, joyeuse, libre, advenue.

La fantaisie est l'art de transformer le monde logique en monde existentiel, c'est vivre selon notre propre volonté, joyeuse, libre, advenue.
Don Quichotte est un ouvrier du monde futur. Il travaille en détenant la puissance du verbe qui lui a enseigné que la création est subjective et qu'elle est, non pas l'œuvre de la matière, mais l'œuvre de l'homme.

L'espagnol ( D.Q.) peut demander à la Réalité de l'exaucer parce qu'il communie si parfaitement avec elle qu'en l'interpellant il se mêle à la volonté vivante et libre de la réalité. Il obtient d'elle l'exaucement de sa prière.

Don Quichotte a fait éclater le symbole médiatisant qu'est la vérité abstraite. Il est un médiateur de la lumière, de la transparence et de la vie.

Don Quichotte, par son existence, s'oppose à la Vérité qui définit chacun par une relation contraignante avec les autres et avec la nature.

Le Dieu de Don Quichotte c'est le lieu existentiel de la création, c'est le Vide, c'est la plénitude de la joie, c'est la rédemption universelle.

Héros d'amour, Don Quichotte aura profité de cette rédemption, est ce héros humble, l'homme fantaisiste, il est l'homme transparent : apparenté aux enfants, il surraccomplit l'enfance en évacuant de celle-ci ce qui porte le devenir fatal d'une participation à l'exil.

Il est Don Quichotte, innocent de l'innocence originelle, tandis que l'enfant l'est d'une innocence qui tient à l'ignorance de ce qu'est le monde.

Si l'espagnol marche dans le Royaume, son truculent et malheureux serviteur marche dans le monde logique.

Aucune destinée n'est plus différente de Don Quichotte que celle de Sancho Pança, car les deux hommes n'ont pas le même lieu.

Don Quichotte vit dans la vie éternelle et s'en réjouit, Sancho vit sous le péché, dans un espace-temps de misère et d'exil, et en subit la déchirure et l'angoisse.

Le malheur se transforme de malédiction en bénédiction, de fatalité en providence, d'évidence néantisante et mortelle en évidence existentielle et rédemptrice, pour le héros de foi .

Tout pour le héros de foi - l''Espagnol - est ainsi mobilité, croissance, liberté, lumière et rédemption ; grâce à lui, tout est rendu actif, vibrant, ardent, mobile surtout.

Ce n'est plus, alors, l'homme qui obéit à l'effarant abominable processus universel de matérialisation qui est, finalement, un processus de néantisation. C'est la matière qui obéit alors. C'est Don Quichotte le juste qui meut la création entière, la replace dans son premier lieu où tout est vide, et où la vie redevient ce qu'elle est : l'éternité joyeuse pour chaque être.

Le privilège de Don Quichotte c'est qu'il annonce que la fantaisie est plus active que le devoir, que le travail et l'ascétisme morbide sont des perversions, que Dieu n'en demande pas tant, qu'il reconnaîtra ses justes à leur gaieté et à leur légèreté et non à leur volonté de souffrance et d'expiation.

Il annonce que lorsque la réalité sera, grâce à l'homme, devenue si belle qu'elle sera devenue humaine, il se dévoilera qu'elle était divine, et s'adonner à la volupté perpétuelle de la vie sans mort deviendra naturel.

Don Quichotte : Il voit, il sait, il est, il aime, il peut. Si l'Espagnol part à la recherche de Dulcinée, s'il se donne tout entier à sa passion d'amour, s'il ne se préoccupe ni du futur, ni du passé, ni du présent, c'est qu'il a retrouvé l'innocence.

Et pour le chevalier, le plus court chemin d'un point à un autre ce n'est plus la ligne droite, c'est le chemin qui lui semblera le plus savoureux, un chemin qui par grâce miraculeuse deviendra lui-même.

(...) Non seulement le chemin mais la création tout entière est alors devenue un vaste et merveilleux, un immense et harmonieux, un sublime et prodigieux lui-même.

Là où il est il n'y a plus de relativisme, il n'y a plus de relativité, il n'y a même plus d'absolu(...), l'homme est devenu le monde, parce que le monde désormais illuminé est devenu L'HOMME.

Tout est Dieu révélé enfin dans l'extériorité subjective. Que la réalité est Dieu en même temps qu'elle est l'homme, préserve l'homme de s'y fourvoyer, de s'y égarer, de s'y aliéner et lui permet d'échapper grâce au Vide féerique et générateur d'abondance, à toutes les illusions méditantes.

La division vivants-morts, qui reposait elle aussi sur la dichotomie artificielle vie-mort n'est plus soutenue parce que le coeur de Don Quichotte est vie, plénitude et royaume et dans son coeur il n'y a plus de mort possible.

Heureusement pourtant, le chevalier est souverain et allègre parce qu'il a vaincu la honte et ne craint donc plus le ridicule.

Son rire : celui d'un homme victorieux de tout.

Don Quichotte qui suscite l'inquiétude, l'incompréhension, la moquerie, la fureur et l'effroi, si incompris qu'il soit, interpelle chaque être et l'oblige à répondre à la question farouche qu'il lui pose : " Dis-moi homme, pourquoi nies-tu aussi misérablement l'évidente splendeur du royaume ? "

Don Quichotte se sentait chez lui partout et c'est avec ce sentiment réconfortant qu'il parcourait le monde. Au contraire, les hommes autour de lui ne se sentaient chez eux nulle part. Et notre Espagnol, s'il étonnait par son insouciance heureuse, était étonné plus encore par l'inquiétude d'une humanité égarée dans l'Exil.(...) Il entend leur faire récupérer l'innocence, cette innocence dont la perte les martyrise.

Don Quichotte est donc l'homme de la liberté retrouvée.

Don Quichotte : le plus grand mythe de liberté individuelle possible en son temps.

Il magnifie l'innocence, la fantaisie, l'entreprise individuelle, la folie d'amour, la sensualité légère, l'espérance et la plénitude individuelle ; et il dévoile enfin le royaume qui sans la subversion de ce refoulé ne pouvait pas advenir, ce royaume que saint Paul puis la catholicité entière auront expulsé si loin de l'histoire des hommes.

L'Espagnol lâche la bride à la fantaisie et vit sans tenir compte si peu que ce soit des limites spatio-temporelles de l'existence, il s'organise joyeusement pour une vie qui n'aura jamais de fin.

Il ne tient plus compte de ces deux données de la conscience idolâtre : l'inéluctable et l'irréversible.

A propos du malentendu entre Don Quichotte et le monde : ce malentendu, cause de son aspect clownesque est celui que l'humanité entretient avec la lumière, plus globalement encore c'est celui de l'humanité avec Dieu.

Il faudrait préciser ici l'importance métaphysique gigantesque du " ridicule " de Don Quichotte, véritable expression émotionnelle du péché qui a pris possession de l'humanité et lui a fait obscurément mépriser la liberté, parce que la figure de la liberté (de même que celle de Dieu et de Don Quichotte...) qui parvient à une humanité prisonnière du péché est une figure grotesque et inexacte.

Le ridicule et l'impossible sont les deux expressions émotionnelles de la terreur d'être soi.

Don Quichotte est le héros sans honte(...) qui nomme et vise l'Ailleurs parce qu'il l'incarne. Il est aussi un ferment de rédemption jeté sur la vieille Espagne.

Don Quichotte n'est pas enchaîné par les lourdes chaînes de l'impuissance, de la crainte et du néant.

L'homme catholique est caractérisable d'abord par son incapacité à se comporter ex-nihilo, il a délégué sa liberté et son innocence au " Christ Dieu " et se ressent comme absolument déterminé par un " péché originel ".

Ce que nous apprend Don Quichotte c'est que l'Espagne espagnolissime, la catholicité catholissime rêvaient, au moment le plus fort de leur domination du monde, d'une existence autre, absolument non catholique.

Don Quichotte l'Espagnol rejoint Israël et participe de la foi originale de la judéité en la capacité propre à tout homme d'évacuer la culpabilité morale et d'entrer librement dans l'Innocence, lieu du monde.
L'urgence pour toutes les nations, c'est aujourd'hui de passer du type paulinien au type quichottesque, d'une morale d'expiation à une morale d'accomplissement - ce qui signifiera : passer de l'idolâtrie à la liberté.

L'homme.

L'homme est la créature qui n'est pas faite pour les larmes et les larmes signifient sa fureur d'avoir à pleurer.(...)Comment ignorer que la joie est en attente, et que les larmes l'ont supplantée, et comment méconnaître que cette imposture coûte un prix de souffrance inouï à la terre ?

En vérité, l'homme est la créature qui ne peut pas mourir, et qui cependant parce qu'il ne se sait pas immortel, s'efforce de mourir. Si un seul instant chacun renonçait à la mort comme l'on renonce à un vice, plus personne ne mourrait.

L'homme cherche dans toutes ses conduites logiques à exprimer sa réalité existentielle la plus particulière : son indestructibilité.

L'homme ne supporte pas l'harmonie s'il n'y participe pas.

Comment un Dieu pourrait-il accepter d'être mortel ? Comment un Dieu pourrait-il accepter une telle offense ? (Il le pourra parce que renonçant à être, il a misérablement renoncé à pouvoir).

Mon esprit ne fonctionnait plus du tout de la même manière : simplifié et pacifié, ne fabriquant plus de représentation, il saisissait sans médiation la réalité première et a-logique, il entrait en contact joyeux avec les créatures particulières et avec une création que plus aucun symbole synthétique (ce qu'était l'être logique des savants et des philosophes) ne déterminait plus, la liberté individuelle et sa magnificence scintillait sous mes yeux. Tout devenait splendide, vibrant, musical, harmonieux, transfiguré, inouï, réel.

Ce qui est adorable, seul, motive la quête de l'homme.(...) Va ! ne te préoccupe de rien, sois joyeux, préserve l'altérité avec l'absolu, sois joyeux et vis comme tu l'entends. Dans le secret des légions d'anges veillent sur toi et le plus infime de tes désirs importe davantage au Dieu Vivant que tout l'univers.

Tout ce que tu veux tu le peux . L'homme se constitue à partir d'une intuition de la légèreté dans son coeur  (...) et telle que cette intuition réconcilie vouloir et pouvoir.

Quand la réconciliation entre être et vouloir s'est réalisée dans un homme, la réconciliation entre pouvoir et vouloir s'effectue d'elle-même immédiatement et tout est donné à profusion à l'heureux vainqueur.

L'homme a-logique n'est encore jamais advenu.

Le visage humain est la réfutation évidente et aveuglante de la logique.

Le visage est a-logique, tout est visage, il n'y a que des visages. Les hommes sont aveugles au fait que tout est visage.

L'humanité, si elle écoutait vraiment cette révélation du royaume qui est en elle, se connaîtrait immortelle et d'ores et déjà interpréterait la mort comme une expérience d'immortalité. Elle dirait alors : " cette terre et ce ciel passeront mais aucun de nous ne passera " ; elle restituerait d'elle-même ses droits à l'intuition et tout ce qu'elle avait refoulé dans ses catacombes commencerait d'apparaître au grand jour. Elle aurait enfin une urgence : mettre fin à tous les supplices en arrêtant de croire en la nécessité de vivre sous la domination d'une réalité mortelle.

L'homme est la création qui n'obéit à personne et la Nécessité qui est son fantasme et déclenche le psychodrame de sa soumission correspond à un viol de son être tout entier.

Partir c'est quitter tous les nulle-part, mourir à tous les néants et entrer dans le Royaume a-logique.

La route a-logique n'est plus un anti-lieu mais le coeur de l'homme, devenu le carrefour de tous les possibles.

La pensée a-logique est l'exercice de la souveraineté.

L'homme a-logique, s'il peut souffrir plus qu'aucun autre, ne peut plus ni être offensé, ni être humilié. Il n'est plus esclave.

L'intuition la plus individuelle le pousse non pas à être Dieu mais à être un Dieu devant le Dieu Vivant.

Il est un sens perdu, le sens du royaume. C'est ce sens qu'a retrouvé l'homme a-logique ; sa sensualité est humaine et humanise la terre.

Ce qui ne sert à rien est béni.

Vivre inutilement est le plus important.

Le concept d'efficacité est l'antithèse de celui de gratuité. La pensée a-logique est l'exercice de la souveraineté.

Au-delà du fantasme et du lieu vieillesse est l'existence indestructible dans un esprit et dans un corps.

La foi marque une prise de conscience que nous existons au-delà de la matière.

L'homme (de l'origine) n'avait ni imagination ni mémoire, mais il était la joyeuse vision du lieu se renouvelant perpétuellement lui-même dans l'auto-sanctification d'un mouvement qui n'appartenait ni au temps ni à l'espace, mais à la joie, Harmonie inimaginable, mais, bien, qu'inimaginable, encore à notre disposition au plus profond de nous.
L'homme a tout oublié de sa nature existentielle. La seule loi de ce nom est l'oubli. Si l'homme se souvenait de lui-même il redeviendrait immédiatement le Roi qu'il est dans le Royaume.

L'homme est la créature qui ne peut pas échouer.

Etre c'est être à jamais.

Tu es, donc tu es à jamais, donc tu es un Roi de la création.

Une pensée juste est une expression de ce que tout est possible à l'homme.

Une pensée juste est de la liberté parfaite s'exprimant depuis un homme.

Le miracle : tout se déroule au-delà des lois elles-mêmes soumises au Seigneur.

L' homme logique.

La Vérité, en ce sens exclusif de la liberté et du royaume, c'est l'antithèse de la réalité ; en tant qu'antithèse, elle se présente comme absolument universellement véridique, et ainsi la contre-réalité à laquelle correspond cette " vérité " mensongère, sera universellement acceptée et le champ mesquin qu'elle circonscrira sera reçu par tous ceux qui auront succombé à cette vérité fausse et génératrice d'irréel comme s'il était l'unique champ de la liberté.

On a compris que la " Vérité " dans le sens logique, cerne, fonde et justifie l'Exil et correspond finalement à l'idolâtrie de celui-ci. Elle n'est strictement rien de plus qu'une effroyable illusion collective qui pousse l'humanité à se contenter d'une existence illusoire.

La Vérité s'est approprié une Réalité symbolique mais non réelle qui empêche l'homme d'avoir la moindre conscience de son irremplaçable singularité.

A propos des hommes logiques : Pour eux leur liberté et leur être, restreints par l'imaginaire qui a investi la réalité entière, ne sont que des symboles de leur échec à être. Existentiellement ils ne sont pas : ce sont des ratés de l'Absolu. Ils s'accorderont sur une interprétation gratifiante mais vaine et totalement fausse de leur échec, qu'ils présenteront alors comme absolument, universellement véridique.

Autour de Don Quichotte, l'humanité incarcérée par la Vérité ne conçoit qu'une réalité qui n'est réelle pour personne, tandis que Don Quichotte prince de l' ailleurs, est capable de concevoir une réalité bien réelle pour chaque personne.

Un homme de la pesanteur ne peut comprendre un évadé de la pesanteur.

Les malheureux obéissent (comme les Docteurs) aux conformismes du vieux monde, et n'ont pas l'imagination vibrante de l' Ici et de l 'Ailleurs.

Ce que chacun d'eux pourtant rêverait de faire : fausser compagnie à la bêtise mondiale et à l'énorme ennui dont le monde comble ses échecs.
Les hommes ordinaires veulent écraser la Nature parce que, dressant la Vérité Maudite, la nature que celle-ci leur impose est mortelle et inacceptable: ils s'affrontent donc à la réalité envoûtée, et ne parviennent jamais à s'émanciper de la malédiction qu'est la " vérité ". Ils se livrent à la " tragédie " qu' éclairent toutes leurs activités.

Ils se nient dans l'illusion d'une affirmation d'eux-mêmes contre la Nature. Ils reçoivent, mercenaires de l'irréel, le principe d'un ascétisme qui les broie et les rend meurtriers. Ils veulent écraser la nature car ils ne sont capables de se poser qu'en s'opposant à elle. Ils s'adonnent à l'illusion d'être de l'anti-nature et ils oublient ainsi que la nature est du pro-homme, qu'elle est une humanisation potentielle de la création non advenue encore à cause de l'attitude dévoyée de l'homme à son égard.

Pour aller d'eux à la nature merveilleuse, il eût suffit qu'ils aillent au plus profond d'eux-mêmes. Or ils ont peur de cet extrémisme, sont terrorisés par cette plongée dans leur fond de lumière qui pourtant garantit providentiellement leur accomplissement, et ils s'établissent dans un compromis fatal qui, n'élucidant pas leur exigence, la fourvoie ; qui, n'élucidant pas le secret de la nature heureuse, les condamne à la nature infernale.

La médiation à quoi ils font appel c'est le lieu de l'idolâtrie de l'exil, puisque c'est le lieu symbolique du divorce entre eux et la Nature, c'est à dire finalement entre eux et eux(...).La médiation non médiatisante et merveilleuse qu'est le Vide n'est plus accessible
à leur coeur ni à leur esprit. La lourde matière divinisée alors, le Vide est symboliquement néantisé et perd toute potentialité visible d'aider l'humanité à le rencontrer et à s'émanciper en lui.

Horreur ! l'homme a pris goût à mourir, il a érotisé la mort, il a passionné sa misère, il a mis son ardeur à n'être pas, il s'est trompé sur lui-même ; il a trompé ses frères par cette erreur, et sur elle, il les a immolés.

L'homme logique : le besoin de sacraliser et d'érotiser la mort.

L'homme entend s'adapter à la haine, et c'est la civilisation. La civilisation échoue parce qu'elle se développe sur l'absence d'hommes.

Voyez : chacun fait la guerre à tous les autres, l'action pèse toujours un poids de sang.

L'innocence est expulsée comme le pire des tyrans.

La souffrance d'être incapable d'adorer.

Un non lieu est une amnésie.

Le démoniaque c'est la résistance à être un rédempteur (pour s'affranchir de la pesanteur).

Ne pas s'indigner que l'homme soit mortel, banaliser la mort et la justifier métaphysiquement, c'est expulser l'innocence, et, avec elle, la divinité.

L'homme se souvient non pas d'une souveraineté qui, s'il arrivait à s'en souvenir lui serait immédiatement restituée, mais des stades innombrables de son existence, d'une histoire à laquelle il s'identifie.

La déchéance totale de l'homme : sa soumission mortelle à la mort, à la tragédie sans recours.

L'homme est un torturé du squelette dont le cerveau osseux entretient l'illusion du corps individuel, cache l'évidence du corps de ténèbres qu'est l'actuelle galaxie, et pousse chacun à se différencier, en s'enorgueillissant de son corps de mort, de tous les autres êtres et à se différencier de la galaxie.

La réification : légaliser le monde objectif, c'est à dire la Réalité, les maîtres et la mort.

Dès que l'homme énonce "cela est" il énonce implicitement " je ne suis pas ".

Trahir la liberté, c'est s'irréaliser.

Le " passé " psychologiquement est un effet du vice mental, (qui nous fait interpréter notre présent en le falsifiant) qui initie notre ignorance d'être dans le royaume.

Peuple : le plus démagogique de tous les concepts ! Il n'y a que des individus.

L'homme logique : Il était rongé par l'inquiétude et se savait perdu dans un coin de l'univers d'où il ne sortirait que mort.

" Aime la fatalité, bénis la logique, recherche et trouve ce qu'il y a de plus divin dans les limites de la logique. Tu n'existes qu'en proportion de ton degré de soumission devant moi, toi tu n'es rien, moi je suis tout ". C'est ainsi que la croyance morale d'Adam en l'existence de la Nécessité le condamnait à un statut d'esclave, un esclave dont l'asservissement était si grand qu'il se croyait libre.

Un nouveau pouvoir, une nouvelle théologie -" laïcité "-, un nouveau mensonge commençait, mais il portait sa propre contradiction qui, cette fois, lui serait fatale :posant la " liberté ", la " fraternité ", l'" égalité" ; en posant les valeurs qui effectivement les expulsaient, la bourgeoisie était atteinte dans le champ horizontal, par le même mal qui avait entraîné, dans le champ vertical, la mort du Dieu catholique.

1789 : En s'effondrant, la théologie catholique avait laissé la place à son fruit direct horizontal : la bourgeoisie. En advenant, celle-ci, s'appropriant la fausse universalité du catholicisme, justifiait grâce à elle les anciennes valeurs du maître et de l'esclave.

La matière a pour objectif de faire oublier à l'homme les miracles positifs dont il serait capable s'il osait les vouloir, et dont le premier d'entre eux consisterait à supprimer la matière.
Le drame humain est de croire en cette division corpsesprit qui légalise l'absence.

Mais l'homme, lui, ne supporte pas l'harmonie s'il n'y participe pas, et voici si longtemps qu'il n'y participe plus qu'il hait abominablement quiconque y participe encore....

De l'empereur au plus misérable des mendiants, l' être humain est scandalisé par la mort et par la souffrance. C'est un grand drame, une immense flamme jaillissant d'un bûcher où nous sommes tous en train de brûler.(...) C'est l'amante séparée de son amant, c'est le sable mouvant de la matière aspirant tôt ou tard, dans une obsession vindicative l'ensemble des créatures ; c'est la maladie(...), c'est la vieillesse(...), c'est la cruauté de l'homme pour l'homme qui rivalise avec la cruauté de la matière. Ce sont les animaux sauvages et carnivores : c'est la beauté du monde malade de cette peste.

Poussant à son comble la divinisation des lois de la Nature, c'est en effet la mort qu'il divinisait, et la vie qu'il expulsait avec une méchanceté insigne.

Il dressa la polarité du possible et de l'impossible, qui l'un et l'autre mettaient en symbole un " je ne puis pas " qui découlait directement de son " je ne suis pas " servile et primordial.

Il fit la guerre afin de se prouver son courage et il montra un courage d'autant plus grand dans les guerres et les histoires de sang, qu'il était lâche dans les affaires de l'amour et de la tendresse.

Hamlet est celui qui croit qu'il n'existe pas et se définit par cette croyance.

Le nihilisme est le dernier stade de la croyance morale aberrante en l'impossibilité de l'individu.

Le nihilisme, logique négative de la démystification des derniers maîtres - le monde bourgeois -, démystifiait en la faisant apparaître au grand jour l'immémoriale imposture des Maîtres.

Nous nous souvenons ainsi de la certitude fausse que nous sommes toujours entrain de courir au néant, alors que nous sommes, malgré notre fausse croyance, entrain de courir dans le Royaume.

L'homme nomme l'absence du Vide dans des mots qui fondent cette absence en absolu : des mots lourds et mortels qui paralysent sa langue et lui font dire ensuite avec mille difficultés l'exact contraire de ce que son cœur demande....

Dès lors, l'absence ayant été érigée en absolu, l'espace et le temps apparaissent à leur tour et fournissent la caution symbolique et fatale à toutes les entreprises d'auto-destruction dues à l'amnésie.

Il faudrait savoir, avant de se livrer à une thérapie sur qui que ce soit, que l'humanité sera affligée des maux les plus scandaleux et les plus " incurables " tant qu'elle nourrira en ses membres, même les plus prétendument avisés, le projet stupide et obsessionnel de la néantisation.
Le sens est l'idole à laquelle le Royaume et l'homme vivant sont à chaque instant immolés.

Le sens est la première de toutes les idoles ; un sens est toujours une idolâtrie et une justification de l'exil.

Ce qui fait les esclaves et les maîtres c'est la croyance en la divinité des maîtres, et ce qui fait les maîtres et les esclaves c'est la croyance en la perpétuité de la matière.

La peur dont découle et procède la logique produit et reconduit à chaque instant le fantasme immémorial du monde logique. Personne n'a le courage de lui échapper, car personne n'a l'audace de découvrir ce qu'il sent.

La technique égale le meurtre : même souci de protection ; leur idole est la peur.

Médiatisée par le fantasme, la communication ne passe plus entre les individus. A sa place il y a la soumission des faibles, l'arrogance des forts, et l'isolement insupportable de tous.

2 + 2 = 4 est la justification suicidaire de la souffrance, du malheur et de la mort qui, sans cette justification, deviendraient impossibles.

La logique est une tautologie dont l'un des termes est elle-même, et dont l'autre est la réalité sur laquelle elle effectue ses saisies en la suscitant.

Deux logiques : - la première, qui est l'universalisation de la peur, et qui, due au vice mental de l'homme, détermine l'apparition d'une extériorité fantasmatique et contraignante (la pesanteur, la mort,) et fait de l'homme l'esclave de cette extériorité - la logique de l'histoire est celle de ce déterminisme atroce : en ce sens, tous les logiciens (savants et philosophes) sont des possédés du vice mental poursuivant à travers leurs oeuvres (mensongères) la justification de la pesanteur qui est suicidaire et néantisante pour tous ; la logique seconde est la logique a-logique de ceux qui s'affrontent aux hommes de la première logique. Ils se situent dans un autre champ où le déterminisme logique (la mort) instauré par les possédés du vice mental n'est plus une détermination.

L'homme logique attend sa mort comme l'homme a-logique attend l'inouï.

Apprendre par le savoir signifie oublier ; oublier signifie s'oublier. S'oublier signifie oublier le Royaume.

Le logicien est l'homme qui prend le nulle part pour un lieu parce qu'il prend le néant pour un chemin.

Car ce que l'on enseignait sur toute la terre, c'était l'incarcération universelle et l'anti-eux-mêmes. Pauvres enfants qui recevaient le maléfice dès le premier cri.

Le principe de contradiction sans lequel aucune logique ne serait possible , est le comble de la cruauté. Il implique : 1°) que l'homme, comme l'individu soit irréel. 2°) que sa mort soit absolument réelle. Dès lors, il n'y a plus comme histoire humaine que l'expérimentation de cette situation invivable, à deux pôles : l'expérimentation de l'impossibilité d'être soi, et consécutivement, l'expérience de la nécessité inéluctable de mourir. Le principe de contradiction est celui du meurtre. Il résulte d'un primordial " je ne suis pas " qui a déclenché un " je ne puis pas ".

" Je pense donc je suis " (Descartes) : C'est un moi absent qui est ainsi défini par la logique. Le moi logique ainsi défini s'affirme au détriment du moi existentiel, qui n'est même pas supposé.

Un fanatique est un logicien qui recherche avec passion et fureur le merveilleux en obéissant à la logique.

La tentation logique mortelle à l'homme est double. Elle consiste soit à refuser l'histoire, soit à l'idolâtrer. La première fait les mystiques spéculatifs, la seconde fait les maîtres de ce monde.

Le diable est logique. Il est logique parce qu'il n'existe pas. Il n'existe pas parce qu'il est logique.

La science, c'est la légitimité d'un mensonge et sa légitimation par le processus qui l'universalise !

Ce sont les savants qui égarent aujourd'hui l'humanité et qui sont la cause première des maux qu'ils prétendent combattre. Les savants ont besoin d'une nature agressive, violente, inerte et dévoreuse d'hommes pour être eux-mêmes nécessaires à cette nature,- et désireux d'être ainsi nécessaires à la mauvaise nature , ils sont désireux aussi qu'elle reste à jamais mauvaise, - aussi veillent-ils expressément à ce qu'elle soit bien telle.

Les lois éthiques et cosmiques confirmaient leur amnésie par une représentation déterministe de l'être, des êtres et de l'histoire.

Tous les hommes logiques attendent de leurs héros qu'ils justifient logiquement leur lâcheté. Le preuve d'efficacité est le meurtre. Exemple : Napoléon, adoré.

L'espace-temps s'érige en valeur et légalise une finitude qui n'est que répétition de l'enfermement.

La réalité logique est de la négation d'homme.

La logique est une volonté systématique d'expiation, elle mène au besoin d'obéir, le besoin d'obéir mène à l'invention du devoir, l'invention du devoir condamne à l'effort inutile, l'effort inutile fait oublier que tout est donné à profusion.

La logique fonctionne comme un processus d'expulsion systématique de la légèreté.

Recourir à un critère c'est avouer que la liberté a-logique a été perdue, et que l'homme n'est plus la lumière d'un royaume qu'il suscite.

Je postule donc je ne suis pas.

Le " génie ", loin de vivre dans la liberté la plus haute, représente dans sa plus grande intensité, et sans même le savoir,(nous sommes toujours ici dans ce que Pascal appelle " l'envoûtement surnaturel de la volonté "...), l'aliénation fondamentale.

Fondane comprit que le génie, de qui précisément l'humanité reçoit ses tables interprétatives de l'homme et de l'univers, le génie évolue et affirme les catégories logiques impliquées par la raison corrompue, et résultant du passage d'Adam de l'arbre de vie à l'arbre de la science du bien et du mal.

Définir c'est le contraire d'adorer, c'est expulser le vide. Expulser le vide c'est la haine.

La science c'est le fruit maudit de la science du bien et du mal ; c'est le fruit qui transforme le royaume en mythe et le fantasme qui s'est imposé à sa place, en pesanteur, ce qu'est la matière ! Sans la peur il n'y aurait plus de science possible, parce qu'il n'y aurait pas de réalité meurtrière à comprendre et à interpréter.

La science est une superstition, sa rationalité est un leurre, ses évidences sont des fantasmes, ses certitudes ce sont des chaînes, sa réalité objective c'est leur art subtil d'infecter la planète.

On doit entreprendre le procès global de la science qui commence avec la chute, instaure l'exil, l'entretient et interdit aux êtres d'effectuer le retour à l'arbre de vie.

Qui est-il cet esprit ? C'est la volonté de justifier la matière, les maîtres et la mort.

La critique de la science considérée comme une idolâtrie originelle et monstrueuse n' a pas encore été faite, mais elle le sera au fur et à mesure de la redécouverte de sa foncière dignité par l'humanité.

Dès lors les savants n'auront plus à établir dans des croyances et des représentations leur nécessité de mourir et d'accepter la matière : Il n'y aura plus de matière !

Aussitôt que vous avez prononcé " santé ", " maladie ", vous avez soumis l'homme tout entier à la guépéou de vos imaginations maudites, vous l'avez nié et blasphémé par l'usage des catégories d'existence qui vous ont condamnés à croire en l'existence de cette dualité....

Le Royaume c'est ce que la science met à mort. Elle l'a refoulé exactement comme l'homme de science, et tous les païens en général, ont refoulé leur désir d'y participer et de vivre d'une vie heureuse.

Puisque l'être logique légalise tout ce qui nie et supprime l'individu, celui-ci en est devenu irréel, tandis que ce qui l'écrasait obtenait pignon sur rue.

Et la " maladie " qui scandaleusement l'agresse et comme une lionne s'empare de lui pour le dévorer à l'écart de ses frères, est interprétée à son tour comme une expression de forces et de lois naturelles qui seront toujours actives sur notre cosmos.

La logique a tout pénétré : même se statut de l'homme, même les bêtes, même la nature.

L'homme épuise, par ses activités, le faux lieu.(...)Toutes ses occupations sont suicidaires.

L'effort est dans la pesanteur et consacre la mort. Il crée le temps qui tue.

Nous ne respectons que la force parce que nous sommes serviles.

Toute l'activité de l'homme consiste à oublier qu'il est dans le sépulcre.

Ils croient qu'ils sont actifs parce qu'ils travaillent.

Leur effort perpétue le cosmos de la pesanteur.

La beauté du monde n'est pas symbolique, elle révèle Dieu au plus profond du coeur humain, source de joie et lieu de chaque subjectivité.

Tout en ce monde est symbole et la grande ruse des symboles c'est de conférer les attributs de l'existence à ce qui n'existe pas.

Les symboles expulsent la beauté du monde et érigent son absence en signification.

Ils ont des mythes parce qu'ils ont pour idole l'impuissance !

Ils exercent contre le chevalier Don Quichotte la terrible force du ridicule, sachant fort bien puisqu'elle les subjugue eux-mêmes, que la puissance du ridicule est celle de ce monde, que grâce à elle les êtres sont infantilisés, crétinisés, humiliés et détournés d'eux-mêmes.

J'ai déjà montré à ce propos que la honte mortelle de l'humanité était la véritable maladie, et plus encore, de la création entière. Elle est l'énergie humaine créatrice détournée d'elle-même, négativisée. C'est elle qui transforme le royaume en enfer parce que c'est elle qui fait sortir du royaume la liberté qui, procédant de l'homme, est seule apte à préserver l'excellence du royaume et à en faire la nourriture de l'homme et des créatures.

Bien plus qu'un sentiment la honte est la passion la plus morbide et la plus ardente de l'homme, l'expression émotionnelle terrifiante de sa propre tragédie cosmique, la manifestation de sa perte de mémoire. Etre honteux, c'est ne plus oser être soi, c'est poser le néant contre l'avènement, la mort contre la vie et à cause de cela condamner à la néantisation et à la poussière non seulement soi-même mais tous les êtres.

Plus les philosophes justifiaient la nécessité et le savoir, plus ils oubliaient leur exigence de liberté sans limite (laquelle s'avère impossible partout où triomphe un savoir socratique).

La dialectique hegelienne est l'apothéose de l'inertie.
L'erreur de Marx : Dans les " prolétaires " il avaient vu des " prolétaires " et dans les " bourgeois ", il avait vu des " bourgeois " : comment vouliez-vous, en prolétarisant ainsi métaphysiquement et ontologiquement les " prolétaires ", en déduisant leur être du statut auquel les avait condamnés la bourgeoisie discriminatrice, qu'il en fasse autre chose que des esclaves déterminés par cette jalousie ?

L'athéisme va déclencher une danse de spectres , des barbaries et des terreurs nouvelles.

La laïcité : L'histoire et la rationalité érigée en principe de vérité universelle, abîme vertigineux !

Certes, le monde reste intolérable à l'homme, mais il croit qu'il le tolère, et dans cette foi est un principe subjectif de destruction qui ravage son âme et le rend fou furieux.

La peur que l'homme a de lui-même, se retourne en haine pour ses frères, et celle-ci devient le mode exclusif de relation entre lui et eux. Il y a ainsi une " feinte ", monstrueuse tricherie, qui condamne l'humanité entière, et fait de son parcours historique un véritable supplice infligé et subi. Cette feinte consiste à faire comme si en effet le monde étant acceptable, la communion et la fraternité peuvent s'instaurer, avant qu'on ne l'ait détruit.

Cela veut dire que, renonçant à l' Ailleurs, l'homme l'identifie avec l'Ici, et passionnément exige la reconduction de l' ici, qui se répète comme la pire négation de son désir de liberté et d'une entrée joyeuse dans l' ailleurs.

Le ravage principal c'est que ne concevant plus son salut il ne conçoit plus celui de personne. Il est obligé alors de moraliser cette incapacité, et de se protéger de ses frères en effet agressifs et terrifiants, en les considérant non plus comme des créatures, mais comme des bêtes sauvages.

Se persuadant de son néant, il s'adonne à la volupté d'accepter sa mort et celle des autres.

La civilisation s'est construite comme une justification de la mort et du meurtre, elle s'est dialectisée par le crime et le châtiment, et pourtant mourir et tuer sont les deux expressions idolâtres les plus extrêmes de ce refoulé par excellence qu'est l'Inouï.

L'homme historique place sa passion à s'adapter à la coupure vie-mort.

" Liberté, égalité, fraternité " est un échec dans le champ horizontal. La bourgeoisie se présente comme la classe universelle, sa domination repose sur le dogme nouveau fait de raison logicienne ; elle consacre l'exil sans retour.

L'histoire, machine à tuer et à falsifier, présente nos défaites comme des victoires.


L'insurrection/Les justes.

La guerre entre les justes et ce monde est implacable.

En descendant plus profond en lui-même il renversait les idoles qui lui gâtent toutes ses joies.

Le scandale contre la pesanteur.

Tout est possible.

Détruire le non-lieu.

Les hommes ne savent pas qu'ils sont.

Résurrection et non crucifixion !

L'urgence véritable serait d'élever l'étendard de la Révolte au profit du Moi individuel en montrant scandaleusement que l'inversion du processus de mort de la galaxie est à la portée de l'audace suprême du Moi individuel.

La seconde Eucharistie :Tous alors, même les plus aveugles et les plus criminels, ne nourrissent plus qu'un seul désir : échapper à l'horreur de leur situation, ce qu'ils ne peuvent faire qu'en entrant dans le Royaume qui les attend au dedans d'eux-mêmes et depuis la conquête de ce plus au-dedans, partout au dehors.

Ne t'efforce pas mon ami, et n'obéis jamais aux maîtres du devoir qui sont de sinistres canailles qui veulent ta peau.

L'impératif est de subvertir l'histoire.

Jésus ne s'adresse pas tant à ses disciples et à la foule qu'à la Terre Rouge, qu'il ouvre pour tous, les justes comme les iniques lorsqu'il fait entendre ses formidables promesses et ses formidables prophéties.

Le mouvement véritable est celui de la suppression par les justes, de la croyance collective en la nécessité qui pétrifie tout.

Même si tu es entouré d'amis, agis comme si tu étais seul. Le front où tu as été placé te condamne à l'isolement et à la solitude jusqu'à la Fin, et nul, jusqu'à la Fin, ne peut te remplacer pendant une seule seconde.

Ne vous efforcez pas : l'effort est dans la pesanteur et ce qui est dans la pesanteur consacre la mort tout en créant le temps qui tue ! Ne vous efforcez pas : l'effort est dans la mort et qui est dans la mort consacre la pesanteur en créant l'espace qui tue.

Ils n'ont pas idée que tout est gratuit, et ils adorent l'effort - plus ils vivent durement plus ils se croient véridiques : en vérité ce sont des avares et des assassins !(...) Ne vous efforcez pas : mettez en marche le scandale de l'abondance et de la gratuité.
Vivez dans la joie et ne reconnaissez qu'en la joie le jugement.

Tout est donné, sans effort et à profusion à celui qui ne se préoccupe que d'activer la venue du royaume.

Heureux ceux qui persévéreront jusqu'à la fin.

Le juste meut les êtres et les astres.

Il faudrait exterminer la nature qui a assassiné Lazare, assassiné la nature avec pour poignard le scandale qu'est la mort de Lazare.

L'humanité n'avait plus le choix. Il lui fallait trouver Dieu ou mourir.

Brise enfin ce maléfice et évade-t-en ! Ose enfin donner un coup de pied à la tête de serpent qui a nom " impossible "(...) car ce qui fait l'esclave c'est la croyance en la divinité des maîtres, et ce qui fait les esclaves et les maîtres, c'est la croyance en la perpétuité de la matière.

Une dépolitisation mondiale de la morale réductrice et une politisation mondiale de l'individuation étaient aujourd'hui nécessaires et inéluctables.

En poussant le grand cri de la démystification des maîtres de la matière et de la mort, atroce trinité qui entretenait toutes les horreurs(...), nous cristalliserions la révolte juste des hommes et des femmes maintenant innombrables dans les nations, que cernait le désespoir de se croire à jamais isolés, impuissants et perdus.

Faire advenir l'innocence et l'autonomie partout. Et surtout, pour soulever les montagnes du conformisme, de la bêtise et de la méchanceté, il fallait s'adresser à l'émotionnalité des êtres, réveiller et libérer leur désir et leur exigence de l'inouï qui était leur exigence et leur désir d'être joyeusement et divinement eux-mêmes en se réglant sur leur soif et leur passion de merveilleux.

Le merveilleux et non le devoir, l'émotion et non la crispation, l'avancée et non la pétrification, le haut lyrisme et non les lourdes systématisations du renoncement étaient à l'ordre du jour. Nous n'avions plus à prendre au sérieux les maîtres : il était temps de considérer pratiquement et politiquement qu'ils n'existaient pas.

A propos des prolétaires : Nous n'avions pas à accepter en leur nom l'identité qu'ils recevaient de leurs exploiteurs ! Qu'ils secouent et brisent au contraire cette identité, qu'ils apprennent qu'ils étaient des " dieux ", qu'ils exigent un contenu autre et parfait d'existence pratique et émotionnelle, qu'ils cessent d'obéir pratiquement et éthiquement à l'identité à quoi la bourgeoisie les avait condamnés.

A propos des justes : La guerre entre le monde et eux est implacable, mais rien n'est pour eux inéluctable : ils ont choisi, parce que véritablement libres, de participer à cette guerre, et les péripéties, si atroces soient-elles, de cette guerre, les mènent et mènent grâce à eux l'humanité entière dans le monde sans mort.

Le renoncement à l'avènement immédiat est chez eux infiniment paradoxal puisque leur tension exorbitée vers l'Ailleurs découle d'un enracinement total dans un ici qui participe déjà de l'Ailleurs. Ils vivent dans l'attente car occupant individuellement la position de l'Ailleurs, leur véritable exil résulte de ce que tous ne l'occupent pas encore.

La relation secrète entre tous les hommes détermine l'état entier de la création et fait, lorsque tous les êtres sont adonnés mentalement à générer la pesanteur, que chacun pèse sur tous.

Va ! Cela signifie que la puissance de la liberté originelle est remise à celui qui, se sachant unique, exerce l'audace d'aller.

La grande marche véritable n'est pas de se mouvoir dans l'espace, c'est de mouvoir l'espace en nous, de telle sorte que, grâce à nous, l'espace allant vers sa fin, notre totale mobilité aboutisse, avec la fin de l'espace, à la récupération d'un corps sans mort libéré enfin de l'infirmité affreuse qu'était le corps de mort.

A propos de Jésus :L'urgence était pour lui de pénétrer dans la réalité sans mort et sans contraire, en aucun cas de spiritualiser ce monde.(...) " Prenez conscience de votre lieu (le royaume), et comprenez que depuis ce lieu, il n'y a rien d'irréversible, qu'ainsi, tout passera mais non pas vous ! ".

L'humanité alors n'obéirait plus qu'à sa vision de la bonne lumière. Elle soumettrait la pesanteur à la bonne lumière qui viendrait d'elle et elle crèverait comme une bulle d'air tout ce qui, avec l'aplomb de la réalité écrasante, s'opposerait à son immortalité heureuse. Elle dirait alors : " Cette terre et ce ciel passeront mais aucun de nous ne passera !", elle restituerait ses droits à son intuition d'elle-même et tout ce qu'elle avait refoulé dans ses catacombes commencerait d'apparaître au grand jour.

Nous ne parvenons à lire réellement le lieu que lorsque nous avons cessé de croire au donné irréversible de la mort : nous évoluons alors dans un monde vivant et mobile.

Seuls croient en eux-mêmes ceux qui sont capables de dire : " cette terre et ce ciel passeront mais je ne passerai pas ".

Etre c'est s'insurger, en refusant passionnément, même au prix du martyre, d'aller plus vite que la liberté elle-même, en parlant à la place des autres, fussent-ils les plus grands idolâtres.

Par conséquent l'homme peut aider ses frères à s'évader de la Nécessité, manifestant par là la capacité d'agir et un pouvoir que la Nécessité non seulement ne contraint plus, mais qui la contraignent en subvertissant lentement dans l'Histoire les prétendues lois naturelles.

Partons de notre vision extatique de ce qui sera (contre tous s'il le faut)

Adorer la vie, c'est haïr l'imposture collective.

Nous devons susciter l'éclatement de la nécessité fantasmatique afin de percer le secret historique suprême : la Rédemption se déroule sur la terre agie par chaque personne (ou retardée) selon son degré d'audace effectivement atteint. Il en va ainsi parce que la terre est le Royaume.

Tout ce qui arrive à un juste, même les épreuves qui le frappent, est ainsi subversif. Le malheur est rendu insurrectionnel et mobile lorsqu'il est enfin vécu devant le Dieu vivant, car s'inscrivant alors dans l'Ailleurs, il effectue comme tout ce qui vient de l'Ailleurs, la réfutation complète de l'ici fantasmatique qui seul nous condamne, justes et idolâtres, à la souffrance et à la mort. C'est alors que la joie se révèle partout et nous fait signe de marcher vers elle, car c'est avec elle que nous avons tous rendez-vous.

Ces héros, ces merveilleux travailleurs de la légèreté, ces " gentils " souvent plus juifs que les juifs, qui ne soupçonnaient pas qu'alors même qu'ils minaient le vieux monde selon l'esprit du grand Nazaréen, Israël était persécuté pour les mêmes motifs qu'eux, étaient les justes des nations. Leur effort visible avait porté son fruit en 1789 : une gigantesque crevasse alors, due à la dénonciation secrète du vieux monde pratiquée ainsi par ces hommes et ces femmes héroïques, avait provoqué la Révolution Française, mais il n'y avait pas alors possibilité de subvertir entièrement la pesanteur, parce qu'en s'effondrant, la théologie catholique avait laissé la place à son fruit direct et horizontal : la bourgeoisie.

Oppose ta révolte et ta passion à ce vampirisme, brandis le sceptre de ton audace et répands la fureur de tes refus afin de le briser, ce monde carcéral. Brise enfin ce maléfice et évade-t-en ! Ose donner enfin un coup de pied à la tête du serpent qui a nom : " impossible ".

L'effort de Boulgakov tendra toujours à introduire l'Eden dans l' Histoire puisqu'en effet sa passion de la liberté lui a enseigné que la condition d'autonomie pour l'homme c'est que l'Eden lui soit immédiatement accessible.

Tout sera transformé en un éclair lorsque le Royaume aura supprimé le fantasme de mort qu'est ce monde.

Tes amis sont à ton côté dans le secret. Qu'importe si tu ne les vois pas puisqu'ils sont là ?

Le juste a pour corps l'histoire infiniment lourde de la corruption mentale volontaire de chacun. C'est grâce à lui qu'est subvertie, même lorsqu'il n'est plus que cadavre, sa propre cadavérisation ainsi que la cadavérisation de la Vérité vivante à quoi aboutissent toutes les activités criminelles de l'homme.

Faire que ce ne soit pas l'homme qui ait peur de la mort mais que ce soit la mort qui ait peur de l'homme.

Celui qui tuera la croyance en la mort, tuera la mort et même s'il n'en obtient pas immédiatement la transformation de son corps de mort en corps de lumière, il aura provoqué cette transformation dans le secret.

Jésus : Il voulut, même dans son trépas, démontrer l'irréalité de la mort et se montrer vivant dans son trépas.

Vivez dans la joie et ne reconnaissez qu'en la joie le jugement.

Il faudrait exterminer la nature qui a assassiné Lazare, assassiné la nature avec pour poignard le scandale qu'est la mort de Lazare.

Celui qui consent à ce monde s'interdit le Royaume. L'insurrection totale est la condition sine qua non de la Révélation.

Mais une épreuve serait véritablement absurde, si n'indiquant pas le choc entre les justes et le monde, elle n'était pas un moment nécessaire de la subversion de ce monde par les Justes. Si on ne la remplace pas à l'intérieur du mouvement subversif de la Légèreté qui porte le salut, l'épreuve prend un sens exactement contraire à celui qui est le sien.

L'existence de l'homme jusqu'à la fin correspond à une bataille, et c'est inséré dans la stratégie et l'économie du salut que tout, et premièrement le malheur, révèle et glorifie, avec l'innocence divine, la liberté de l'homme.

Abraham : En révélant la relation entre Dieu et la terre - la même que celle entre Dieu et l'homme - il introduit l'infini de la subjectivité dans l'histoire et pose, point de non-retour pour l'humanité entière, que la destination de chaque individu, c'est l'apothéose de sa subjectivité opérant la rédemption de l'extériorité pesante, qui se transforme alors en Vide, ce qu'elle était depuis l'origine.

C'est la certitude, même en toutes circonstances, même les pires, d'être protégés par des légions d'anges qui envahiront notre sensibilité, et notre pensée et nourrira notre vie des splendeurs de l'attente.

Chacun de nous est tous les autres au-delà de la fausse réalité et de la fausse corporalité.

Tout est donné sans effort et à profusion à celui qui ne se préoccupe que d'activer la venue du Royaume.

Tout te sera donné par surcroît si tu penses que tout t'est dû.

Jésus.

Jésus le Rabbi eût la conception immédiate du Royaume.

Constatant que l'homme était trop fourvoyé pour entrer en guerre pour le royaume, Jésus a fait que le Royaume entre en guerre pour l'homme.

La conception de Jésus n'est ni mystique, ni théologique, ni morale, elle est apocalyptique. La seule obsession de Jésus : comment utiliser l'énergie des hommes pour rendre le mauvais lieu inhabitable...

Cherchons sur quelle force prodigieuse le Rabbi de Nazareth a pris appui pour transformer une crucifixion en résurrection ...

Les évangiles promeuvent le Moi dans son autonomie la plus folle, tandis que le monde chrétien(...) s'est développé depuis une proscription du Moi et de l'Eden consécutive au vice mental attaqué et dénoncé par Jésus.

Jésus : " Ne pensez pas que je sois venu abolir la loi ou les prophètes, je ne suis pas venu abolir, mais accomplir. Car je vous le dis en vérité, avant que ne passent le ciel et la terre, pas un iota, par un trait de lettre de la Loi ne passera, que tout ne s'accomplisse. "

Jésus, le Juif absolu.

Jésus a remis aux justes le pouvoir de libérer les vivants et les morts de la mort.

Jésus a rapporté l'horreur à sa souche : la peur. Victorieux de la peur, il offrit les révélations de l'au-delà de la peur, cet au-delà qui commence là où cesse la pesanteur.

Il ne lance pas un appel à l'amour mais un appel au lieu, il ne lance pas un appel à la charité mais un appel au retour.

Le prophète ne cherche pas à adapter ou à suradapter l'homme à la réalité, mais à tordre le cou à celle-ci pour en débarrasser à jamais la jamais la création.

Il avait expliqué, citant les Psaumes de David : " Je dis que je suis le fils de Dieu parce qu'il est écrit dans les Psaumes : vous êtes tous des Dieux ".Il s'insurgeait avant tout contre la morale, et comprenait l'entreprise prophétique d'Israël comme une entreprise de subversion mondiale de la morale culpabilisante. S'il y avait pour lui " un péché originel ", c'était celui dont la Thora affranchissait les juifs pieux en les initiant au monde-sans-mort, le péché de croire que Dieu a instauré la domination de l'injustice et de la mort qui persuadait les hommes qu'ils souffraient par expiation, parce que Dieu le veut.

Jésus, partout, privilégie l'individu, il ne reconnaît que les individus. Il fonde la croissance de chacun non sur sa relation à autrui, mais sur sa relation au royaume.

Jésus désigne partout, au milieu de la plus lourde pesanteur, la présence active du " tout est possible ".

Jésus ne croyait qu'au Moi, chaque homme étant un Moi évoluant dans une réalité subjective : évoluant dans sa propre réalité, une réalité qui était ainsi à son image et à sa ressemblance.

Au cours de la célèbre conversion de Damas, Saül de Tarse, avait été fasciné par Jésus de Nazareth dont il devina alors qu'il avait, lui, échappé complètement à la morale : incapable de l'imiter, il l'avait divinisé : en sorte qu'il légalisait son renoncement en ce Dieu qu'il venait d'inventer, et s'octroyait l'espérance sans mesure, à condition d'accepter cette impuissance et de l'offrir au " Christ-Dieu ", d'obtenir dans un monde futur, fruit de son renoncement et de sa foi en Christ, les joies inouïes de la liberté.

En divinisant Jésus, c'est le royaume qui a été expulsé, et sa pensée qui a été trahie. C'est parce que chaque homme " est un dieu " que Jésus sans jamais se faire Dieu, affirme qu'il est lui-même le fils de Dieu ...

Là où était Jésus et où il leur demandait d'entrer, aucun enseignement ni aucun Jésus n'était nécessaire.

Jésus s'insurgeait avant tout contre la morale, et comprenait l'entreprise prophétique d'Israël comme une entreprise de subversion mondiale de la morale culpabilisante ; s'il y avait pour lui un " péché originel "(...) c'était le péché de croire que Dieu a instauré la domination de l'injustice et de la mort qui persuadait les hommes qu'ils souffraient par expiation, parce que Dieu le veut ;(...) la souffrance y était ainsi transformée en donnée ontologique et divinement justifiée de l'Histoire : dès lors, Dieu étant le responsable des horreurs de la terre, et la culpabilité étant ontologique, plus aucun projet ne pouvait s'offrir à l'humanité (que mettre fin, grâce à sa liberté, au règne de la souffrance et de la mort).

La mort.

S'il n'est pas un infini de liberté garanti par Dieu, l'homme n'est qu'un atome et la mort un principe unitaire explicatif de la vie.

La mort, histoire individuelle de la fatalité était aussi l'histoire collective des générations.

Pourquoi cette décréation dans la création, cette mort dans la vie ?

Ridicule est la terre, et perfide est son manteau que renouvelle chaque saison, et pédante est la nudité de la terre qui est mortelle à l'homme qui ne saurait la contempler sans périr aussitôt. La mort est une offense à la pudeur, et la nature est une offense à l'homme !

La mort est une maladie qui n'est pas mortelle.

La mort est un trou de mémoire.

Il n'est pas naturel de mourir quoiqu'il soit logique de mourir.

La mort était la terrible ruse de l'amour grâce à laquelle la Divinité pratiquait à l'égard de l'humanité entière le bouche à bouche merveilleux de la Rédemption(...) où Dieu se dévoilera là où l'humanité n'ose même plus espérer.

La mort est une construction de la peur et en s'efforçant vainement de s'adapter au monde mortel, l'homme, organisant la fatalité, organise et reconduit la peur : tout ceci menait au crime, celui-ci étant le mouvement inéluctable de l'adaptation humaine impossible à la mort : l'homme y singe, en rivalisant avec elle (en fait, il lui obéit...) l'inertie.

La mort n'est pas ailleurs qu'ici : dans la crainte de la mort.

S'il n'est pas un infini de liberté garanti par Dieu, l'homme n'est qu'un atome et la mort un principe unitaire explicatif de la vie.

La " mort ", limite fantasmatique instaurée par notre vice mental, semblait elle aussi justifier l'impossibilité d'être pleinement.

Nous manquent l'air du large, de l'infini, le bel infini... Ils nous manquent parce que nous n'avons pas suscité en nous l'espace de leur accueil.

La mort consiste dans l'expérimentation de l'enfermement qu'est le cosmos sépulcral.

C'est une perversion que de se croire mortel.

La mort est une mise en forme aberrante de l'amnésie de l'humanité.

(...) Et le mort dans sa proximité lointaine, le plus misérable des êtres, à son tour pleura amèrement en constatant que cette foule bouleversée par son trépas était aussi son assassin ; et que plus gravement encore, ces vivants, si craintifs qu'ils ne le voyaient pas, en le croyant mort, continuaient à le tuer et empêchaient, ensemble, de leur force conjuguée, qu'il ressuscitât.

Dans un album de photographies épouvantable, dont l'homme tourne les pages dans l'inquiétude, il y a, dans la succession des morts qui défilent en images, une affreuse malédiction qui frappe la terre. Il n'est pas naturel de mourir, pas plus qu'il n'est naturel de souffrir.

Car les morts sont vivants, et c'est un crime de lèse-humanité que de croire qu'ils sont morts, car les morts sont en nous par anticipation sublime, avec l'instant apocalyptique où ils seront aussi devant nous.

Ils sont en nous, dans le point invisible et muet qui, destiné à s'étendre jusqu'aux confins de la terre, fait de chacun de nous le lieu d'une création. Aussi le scandale n'est-il pas dans la mort, mais dans la croyance en elle, et sans cette croyance personne ne serait jamais mort.

Les morts nous attendent. Ils nous espèrent comme leurs rédempteurs. Ils s'offensent chaque fois que nous les traitons de morts, car c'est là les traiter mortellement.

Si les morts sont bien morts, les vivants sont aussi des morts, et cela personne jamais ne l'acceptera.

Les morts, les pauvres morts, nous regardent de leur patrie absente, et nous ne les entendons pas. Les foules qui accompagnent le mort au tombeau s'entretuent et le tuent, en croyant qu'il est mort. Quand apprendrons-nous le miracle de vivre, quand serons nous enfin capables non de pleurer les morts, mais de les ressusciter ?

Il ressemblait (le mort) à tout ce qui dans leur tête était glacé et pétrifié comme un cadavre.

Il n'y a rien de plus épouvantable qu'un vivant pour un mort, et il n'y a rien de plus épouvantable qu'un mort pour un vivant. Lorsqu'ils se rencontrent, cela les offense si cruellement que chacun d'eux maudit l'autre avec toute la violence de son désir d'immortalité(...). Les morts sont les exilés de la terre (...) et les vivants sont ces morts qui subissent tous les moments de l'exil avant de parvenir à son dernier moment.

Les morts aimeraient bien que les vivants sachent qu'ils sont vivants.

Ils souhaiteraient ardemment qu'on crût assez en eux sur terre, pour que plutôt que d'écouter les sombres prophéties de la matière, l'on se fie totalement à eux, et que l'on tire de cette foi une technique sublime de résurrection, les réconciliant enfin avec les vivants.

Les victimes vivent à jamais, il n'y a pas de mort : jamais il n'y en eut. IL y a de l'illusion et une fatalité terrible déclenchée par les Hitler. Deux vérités et non pas une sont à l'oeuvre : la mienne qui est vie, la sienne qui est mort et illusion de mort car la mort est l'illusion et l'illustration pathétique de la virulence impuissante de la haine. Je suis, cela ne te suffit-il pas ? Je suis donc tu es, et là où je suis y a-t-il place pour autre chose que ta victoire ? Où est Hitler - il est aussi là où je suis.

Oh l'effroyable patience des morts, eux qui délivrés de la nécessité d'agir n'ont plus qu'à attendre désormais que les vivants les rejoignent.

Les morts sont parmi nous, dans le lieu secret - le Royaume ! ...-, bien que nous l'ayons transformé en son contraire : la pesanteur du réel, où nous nous entretuons et où nous mourons, reste le Royaume.

Les morts attendent pour ressusciter une harmonisation entre les êtres qui rétablira le royaume dans son véritable état.

(...) les morts d'Auschwitz PAS morts à jamais, parce qu' Il est Amour et que l'amour, s'il donne la vie, ne donne jamais la mort.

La résurrection des morts et la suppression définitive de la mort sont les deux aboutissements de l'Histoire. En vérité ces deux aboutissements sont le seul et même aboutissement : l'évanouissement de la pesanteur de l'homme !...

Les morts reviendront parmi nous et nous cesserons nous-mêmes de mourir lorsque nous cesserons enfin de nous croire mortels.

Mourir et tuer sont les deux aberrations humaines : la liberté est expulsée.

Il n'y a qu'un seul crime, c'est de consentir à mourir, et tous ceux qui ont commis ce crime condamnent à mort l'humanité. Et le " deuil " où le mort est pleuré, et l'enterrement où le rituel du néant est célébré, est la cérémonie funeste qui ouvre cette chasse invisible, que personne n'avoue, cette chasse que les larmes dissimulent à tous les regards, la chasse aux morts dont les vivants ont besoin pour continuer à vivre.

enterrement : l'humanité entière s'apitoie sur elle-même, et personne n'a assez de ferveur pour découvrir l'Esprit au-delà de la matière.

On interpelle les morts en les traitant " d'esprits " (...), les morts s'en offensent : ils ne sont pas des esprits. De l'esprit au cadavre, il n'y a qu'un seul pas..., et c'est parce que nous croyons qu'ils sont dans les cadavres que nous les condamnons à être des " esprits ". Ils nous disent la tonitruante flatterie que nous attendons d'eux, pour supporter un jour d'avoir à les rejoindre. Ils disent, les morts, les paroles qui aident non point à vivre, mais à mourir, car s'ils disaient les paroles de la vie, ils vivraient et personne ne serait mortel. Ils seraient parmi nous, et nous serions parmi eux.

Le deuil est la funeste émotion de l'humanité, son crime le plus humain, son meurtre le plus secret, sa haine la plus chaste, sa fureur la plus innocente, son malentendu le plus aberrant, sa pudeur la plus aveugle, sa passion la moins visible. Et ce qu'indiquent les larmes, c'est que l'homme s'est détourné de Dieu et qu'il ne croit pas suffisamment en la joie.

Une arme à feu est l'objet tautologique par excellence.

Chaque organe conspire à la suppliante néantisation du Moi, cette tranchée de chair fictive où les hommes sont enfermés, exposés, à cause de leur sale mentalité.

La polarité apparente des deux évènements terribles mais fictifs de la Crucifixion et de la Résurrection était reliée dans le secret à ces catacombes où gémissent dans l'autre dimension les vivants et les morts, écrasés sous la réalité fausse et déformante qui fonctionnait jusqu'ici - à cause de leur peur -, en système d'escamotage cohérent. Ils sont terrorisés et ne savent pas encore qu'ils sont sains et saufs.

Telles deux mâchoires d'acier, la Crucifixion irréelle mais atroce et la Résurrection irréelle mais inouïe, se referment l'une sur l'autre, avec, entre les dents, cette viande : l'amour pourri de l'homme pour la mort.
Nous ne voyons pas l'exigence de joie parfaite qui s'exprime en tout homme et en toutes circonstances, nous ne voyons pas le scandale de la souffrance et du malheur et notamment le scandale de la souffrance et du malheur d'être tous des condamnés à mort.

Le thème de la " honte " des morts est fondamental dans l'oeuvre de Wiesel : car si la justice peut libérer les morts, et si l'homme est un homme car il est capable d'être juste, abandonner les morts c'est trahir les morts et les vivants, c'est se trahir.

Même Dieu ils n'en veulent que dans la mesure où il est mortel : ils le tuent pour en avoir la preuve.
La débauche de cruauté est un contre-poids inefficace de la croyance à la mort.

Le Vide, effrayé par ce qui s'était produit, plaça une limite à la puissance destructrice d'Adam, et la mort surgit, car en limitant la tyrannie du fantasme avec la mort, Dieu avait laissé à l'homme la possibilité du retour.

La mort était le paradoxe puisque, limite de la limite, elle était aussi bien la plus affreuse des bornes que l'anti-limite qui révélait la présence et l'implication merveilleuse du Dieu Vivant dans les pérégrinations exiliques de l'homme qui commençaient alors.

Le dernier mot de l'énigme sera Résurrection et Vie.

L'anti-mort est le lieu du monde.

Ce qui a été noué sur terre ne sera pas dénoué au ciel.

Chaque créature est indestructible.

La résurrection des morts et la suppression définitive de la mort sont les deux aboutissements de l'Histoire ; en vérité, ces deux aboutissements sont le seul et même aboutissement : l'évanouissement de la pesanteur de l'homme...

Pour ressusciter il faut n'être jamais mort, et pour n'être jamais mort, même lorsqu'on meurt, il faut être toujours dans un lieu où même lorsqu'on meurt, on ne meurt pas.

L'immortalité n'est pas liée à l'autre monde mais à ce monde ci, qui est, bien qu'investi par le fantasme totalitaire de la mort, l'Eden.

Se connaître indestructible donne la force de s'opposer à tout ce qui voudrait me nier et m'imposer un statut néantisant, car dans cette " connaissance " il y a une suprême force, celle de l'origine retrouvée.

Moi je n'aime l'homme que s'il brise sa condition, que s'il s'oppose aux barrières immuables du passé, du présent et de l'avenir, que s'il possède la force et le courage d'imposer sa volonté à l'univers, à la mort.

L'intuition de l' inouï : personne ne peut mourir.

Nazisme/Judaïsme.

Aujourd'hui encore, la pensée juive se révèle incapable de penser le Nazisme jusqu'au bout. Les théologiens du judaïsme moderne ne parviennent pas à concilier la providence qui entoure l'Alliance, et l'Holocauste.

Il faut donc rejoindre le pathétique délirant de l'humanisme athée, ou s'enfermer dans les théologies de la contestation de Dieu. C'est l'attitude qui prévaut aujourd'hui.

Depuis le 18e siècle, le judaïsme boîte : il est privé, qu'il soit religieux ou athée ", de son équilibre, et par conséquent de sa vigueur d'adaptation qu'il porte pourtant en lui-même comme sa véritable vocation.

Les juifs n'ont pas encore pensé Auschwitz parce qu'ils n'ont pas, individuellement, rejoint le point de vue de l'ex nihilo, qui, en révélant l'Exil qui concerne aussi bien les nations les nations qu'Israël, leur rendrait la capacité de concevoir la fin, et ayant récupéré leur mobilité, de marcher vers la fin en draînant derrière eux l'humanité.

L'homme n'a jamais pu entendre le ton fondamental et subversif des évangiles. Il a voulu voir dans la bonne nouvelle un impératif de moraliser la terre, et il a ignoré complètement l'impératif combien plus essentiel de libérer le Royaume.

Mais n'y aurait-il pas une autre réponse à l'Holocauste qui permette de rejoindre dans un saut le Dieu Vivant et de reconquérir la foi en son innocence qui, depuis Abraham, est la source vive du Judaïsme ?

Pour penser l'holocauste et surtout reprendre la longue marche vers l'Ailleurs sans avoir laissé nos morts derrière nous, il faut opérer un renversement total.

L'innocence de Dieu qui réintroduit la justice dans l'histoire, et y associe ontologiquement Israël, permet d'insérer l'Holocauste dans le mouvement de subversion de toutes les idolâtries qui a commencé avec Abraham et qui est agi par le seul Israël. Parce qu'une telle insertion de l'holocauste dans le projet messianique de la judéité délivrera la subversion de la Fin qui se confond avec la résurrection des morts.

C'est là-bas que nous avons tous rendez-vous et que nous découvrirons vivants les victimes du Nazisme ainsi que tous les morts en attente de résurrection.

Si son premier temps fut l'abomination de la désolation, le martyre de 6 millions de juifs, son second temps qui se produira au jour des fins, sera la bénédiction suprême. Il manifestera que la résurrection des suppliciés était, dès l'holocauste qui en faisait partie, certaine et inéluctable.

C'est ainsi que le martyre des juifs était l'un des moments du Retour, un retour qui, coextensif à la durée de l'histoire, grâce à Israël, opérait le salut de l'humanité entière.

Le secret d'Israël déposé dans la profondeur de la Thora, et sur les cimes de la sainteté, est que la rédemption est le seul événement historique qui dépend entièrement de l'homme.

Les nations, nihilistes, sont toutes en puissance de dépasser le nihilisme. L'entrée dans ce que j'ai appelé la seconde alliance devient dès lors leur seule urgence, mais c'est une urgence qu'elles ne peuvent formuler, parce que le dépassement du nihilisme leur est inconcevable. La judéité seule - la découverte subjective que le royaume est partout - est capable de provoquer ce dépassement.

La Seconde Alliance correspond à l'entrée de toutes les nations dans la conception juive de la liberté, du royaume et de l'histoire, et correspond aussi à la conception de la liberté, du royaume et de l'histoire qui fut celle du Rabbi de Nazareth.

Et sans que je l'eusse cherché, je m'inscrivais maintenant dans la continuité du judaïsme immémorial : qu'était-ce en effet que le particularisme juif, sinon le scandale qui travaille l'histoire et qui conteste par sa présence toutes les certitudes et vérités criminelles et tautologiques de ce monde qui expulse Dieu, et avec lui, le royaume et la liberté.

Qu'était-ce donc que le sacrifice interrompu d'Abraham, sinon la révélation que Dieu est l'Anti-mort et que l'Anti-mort est le lieu du monde ?

L'Israël du Retour doit devenir l'Israël de la Seconde Alliance sous peine d'être touché, comme il a commencé de l'être, par le virus meurtrier du nihilisme moderne.

Israël, s'il ne se prépare pas à enregistrer ce mouvement qui engage l'humanité entière, se rapetissera au point de devenir un huis clos à l'intérieur duquel il fonctionnera en interdit à la Thora existentielle. La boucle de l'exil se refermerait alors sur le peuple juif parce qu'il lui manquerait l'audace de constater que l'exil mondial est en train de s'achever.

Cristallisant sur la croyance erronée en l'impossibilité de faire entendre aux nations une parole prophétique capable de métaphoriser mondialement la possibilité de mettre fin au meurtre et à la mort, Israël diaboliserait l'humanité non-juive, et selon la logique d'une
peur tragiquement entretenue, commencerait à perdre l'intégrité visionnaire nécessaire à sa suprême vocation.

Le silence de Dieu à Auschwitz, c'était la surdité des juifs qui ne l'entendaient pas pleurer à leur côté, manifestant une présence à la mesure de leurs plus folles exigences.

Peur.

La peur a succédé à la peur, et l'horreur a renouvelé l'horreur ; si personne ne conçoit la résurrection, comment les vivants ne seraient-ils pas des morts ?

L'humanité ignore qu'elle peut en guérir parce qu'elle a renoncé à être libre. Résidant à la surface d'elle-même, elle a laissé la peur s'infiltrer dans sa profondeur.

Chaque médiation est fatale puisqu'elle consacre la dualité, - l'exil - entre l'homme et lui-même, l'homme et autrui, l'homme et le lieu. Chaque médiation est une idolâtrie du lieu, puisque le lieu est l'apothéose du moi ; toute médiation indique non l'audace mais la peur condamnant le moi à       l'échec.



Philosophes.

Dieu, ce n'était certainement pas le Dieu des savants et des philosophes, immémoriale canaille qui légalisait la réalité fantasmatique et mortelle en la faisant synthétiquement (et faussement) signifier. Dieu, c'était la réalité - sans - mort, réalité vivante et souveraine, puisqu'en elle la peur et ses productions rencontraient leur limite, puisqu'en elle, même les lois de la nature et la mort n'étaient plus que des mises en perspective mystifiantes et fantasmatiques de la peur humaine.

Lorsque, avec la Révolution française et l'athéisme moderne qui naît alors, le catholicisme paulinien est mortellement frappé, l'Europe, bouleversée par la mort de son Dieu qu'aucun Nietzsche n'a encore enregistrée, s'interroge : on ne sait plus encore s'il faut conserver à l'état de relique le cadavre du Dieu mort ou le laisser se décomposer et retomber enfin en poussière.

L'homme nouveau sera un catholique sans théologie formelle, paulinien sans Christ-Dieu. L'inversion de la morale paulinienne aboutissait à son horizontalisation, et la définition de l'homme que cette morale avait célébré se laïcise au point que cet homme, paulinien toujours, rompant avec sa verticalité, découvre l'histoire comme territoire de la liberté.

L'histoire, territoire du devenir des hommes et de leur réalisation de la rationalité érigée en principe universel de vérité, s'offre à chacun, et une longue marche enthousiaste commence. L'homme nouveau, ainsi athée et rationaliste, donne libre cours à sa passion et nul ne voit encore dans quel abîme vertigineux il se précipite.

De même que la réalité véritable, Dieu, à la racine de la création entière et de chaque créature, était essentiellement liberté et vie, et, écrasé par la pesanteur humaine. Il était dans sa prodigieuse et continuelle attente, le grand Présent-Absent de l'histoire. Il était là où nous étions, mais l'ignorance que nous étions là où Il était avait inscrit dans la réalité entière la distance faussement infranchissable qui nous séparait de Lui.

L' essence-existence des philosophes implique une dictature de la Nécessité et de l'idée.
L'existence se nie dans une définition qui la rend dépendante de l'essence, sa pire ennemie, et la conduit à une inexistence.

La réalité est au-delà de l'essence et de l'existence.

Hegel : Penseur le plus important de la modernité post paulinienne, il est aussi le plus ambitieux des théologiens nouveaux.
L'obsession de la domination métaphysique universelle par l'Idée, sera l'obsession de Hegel, comme l'obsession de la domination politique universelle par l'Idée (révolutionnaire) sera celle de Napoléon.

Politiquement, Hegel a conçu la dialectique du maître et de l'esclave - qu'entend-il par là- ? Il entend que l'affrontement entre le maître et l'esclave est au niveau politique ce qu'est le devenir de l'Etre logique au niveau métaphysique, - il entend que maître et esclave constituent un couple dynamique de contraires qui en s'affrontant au cours de l'histoire, font progresser celle-ci vers l'apothéose de la raison et de l'Etat logique, car la tension qui oppose le maître et l'esclave, est créatrice de futur et d'avènement.

Sans trêve Hegel parcourera les régions les plus éloignées de lui dans le temps et dans l'espace, afin de les penser et de les mesurer à cet étalon suprême qu'est le pur " concept " avec lequel il effectue sa conquête de l'univers.

Personne n'est véritablement conscient alors que la raison logicienne est tragique et qu'elle consacre l'exil sans retour, personne ne devine la danse de spectres que déclenche sur l'Europe l'athéisme, et les barbaries nouvelles qui bientôt répondront aux terreurs qu'il déclenche et aux incendies qu'il allume. C'est comme si, dans une période brève et optimiste, l'illusion des révolutionnaires de 1789 avait suscité l'allégresse universelle, c'est comme si en effet, par ce triomphe de la raison, la mort avait été vaincue. Faut-il ajouter que cette illusion ne durera pas, et que les nouveaux maîtres, maieutes de la modernité, conduisaient au supplice et à la dérision les millions d'hommes qui leur avaient vendu leur âme ?

Hegel dispose donc d'une vision métaphysique, et d'une vision politique (...), nous sommes donc en droit de croire qu'il est heureux. Et pourtant non, cet homme loin d'être heureux est un grand résigné, qui a méconnu le secret véritable de l'humanité, et qui a poussé, avec toute son époque, et d'une façon différente de la façon catholique, mais équivalente, l'apostasie de lui-même dans ses dernières conséquences. Pourquoi, interrogera le lecteur étonné ? parce que tout simplement, la raison logique illustrée par Hegel, c'est non plus l'apothéose de l'homme, mais le lieu subjectif de son reniement et le processus d'auto-destruction résultant d'une volonté inquisitoriale de domination du monde. Cette volonté, que l'on retrouve partout, volonté servile par excellence, indique qu'un homme est dominé par sa propre image, tyrannisé par sa pesanteur, et incapable de parvenir à sa véritable autonomie, conscience d'exister " ex-nihilo ", et d'échapper en les brisant à toutes les structures d'incarcération grâce auxquelles notre monde reçoit ses innombrables justifications tautologiques et sans lesquelles il serait immédiatement remplacé par le royaume où tout est possible.

De même que tous les penseurs spéculatifs, de même que tous les logiciens, Hegel a défini la " Vérité " par sa propre impuissance à se délivrer de sa propre inertie. Il a pris possession de l' " homme nouveau ", lui-même produit imaginaire de la raison logique, pour offrir à sa propre volonté de puissance les moyens d'une domination totale sur tout et sur tous.

L'interprétation hégélienne de l'histoire se révélera alors ce qu'elle est : une faculté d'irréaliser tout ce qu'elle atteint, à seule vue de permettre à la soif et à la frustration de Hegel, de se procurer un erzatz d'infini, un territoire non de plénitude et d'avènement, mais d'érotisation de l'imaginaire qui dissimule l'impuissance réelle. On a compris que l'histoire interprétée par Hegel est le territoire imaginaire du manque d'histoire propre, de l'individu Hegel non arrivé à l'individuation.

 

Réalité.

Tout se passe dans l'esprit ; même le condamné à mort dans sa cellule vit un drame essentiellement intérieur : dans son cerveau est dressée la guillotine qui demain, à l'aube, lui tranchera le cou !(...) Si vous vous croyez perdu vous serez pareil au condamné à mort, et votre relation à la vie sera d'une angoisse mortelle. Tout se passe en nous et le monde objectif est essentiellement un monde symbolique où prennent forme les événements de notre esprit.

Il y a un tel abîme, une telle différence entre Réalité et Vérité que c'est tout le passage de la liberté à la servitude, cette servitude effroyable d'une importance cosmique.

La Réalité ex-nihilo est effectivement universelle. Non pas en tant que symbole abstrait soumettant chaque personne à son totalitarisme, mais en tant que lieu d'avènement joyeux et complet pour chaque personne.

La Réalité ex-nihilo est ainsi variée - elle est personnelle, elle crée pour chaque être, elle est accueillante à tous. Elle rassemble les personnes et éclaire les visages, elle illumine les face à face de l'amitié et de l'amour à l'inaltérable lumière de l'altérité ressurgie - elle
montre en désignant la force irréductible de la dissemblance propre à chacun qu'une humanité existe, capable d'amitié et d'amour.

La différence s'infinitisant, elle supprime à son tour les médiations qui entendaient la poser ; il y a alors une infinité de réalités pour une infinité de personnes : une réalité par personne ! et au lieu de différence, l'Infini devenant Lieu, chacun devient tout en tous. La réalité humanisée remplace l'irréalité symbolique.

Méfie-toi comme de la peste de ceux qui prennent le monde tel qu'il est : " Le monde tel qu'il est, est le plus écrasant des fantasmes.

Le Royaume.

Le Royaume est une réalité existentielle et a-logique.

L'Eden est le lieu sans mort, où nous fûmes créés et auquel nous pouvons, à chaque instant, faire retour si nous le voulons ; l'éden est l'événement inaugural de notre histoire. L'Eden est lieu et commencement, car un lieu qui ne serait pas d'abord commencement, serait un lieu où aucun événement n'aurait place, l'événement du commencement n'y ayant pas place. Un lieu où nul événement n'aurait place serait un lieu où nous n'avons pas place. Un lieu qui ne serait d'abord commencement exclurait notre moi : lieu non béni, mais maléfique, non de plénitude mais d'exil, non de liberté, mais de déchéance.

De même, l'Origine est lieu et commencement, car si l' Origine n' était que commencement, et n'était pas lieu, nous ne pourrions faire retour à l'Origine, et l'Origine serait l'infranchissable distance qui, nous séparant de nous-mêmes, nierait tout lieu, en nous interdisant tout retour.

Poser la Gratuité contre le Besoin, c'est viser le lieu contre l'irréalité de la pesanteur de ce monde.

Le Royaume opère comme un continuum de vie, qui oppose à chaque seconde sa récusation inouïe à la volonté néantisante des hommes sous le fantasme de la mort, et au fantasme lui-même qui récupère et dynamise cette volonté.

" Prenez conscience de votre lieu (le Royaume), et comprenez que depuis ce lieu, il n'y a rien d'irréversible, qu'ainsi tout passera mais non pas vous ". Telle était la parole essentielle " mais non pas vous ". Telle était la parole essentielle et répétitive de Jésus, et mieux qu'une parole, sa tactique : guerre contre le fantasme de la mort menée grâce au dévoilement que le royaume signifie d'abord l'insurrection de la légèreté contre les lois naturelles qui la violent, la mutilent, parce qu'elles proviennent du vice mental de l'homme et non pas de la spécificité du réel.

L'homme s'offrira au lieu lorsqu'il s'acceptera lui-même : le lieu est donné par surcroît, il est l'alpha et l'Oméga de notre avènement à nous-mêmes, il est la bénédiction de notre audace et de notre plus haute exigence.

Dans le Royaume le pardon est inéluctable parce que les actes les plus horribles cessent d'avoir été.

Le lieu est cette voûte céleste où chaque créature est une étoile ardente. L'homme est la plus haute étoile, la plus belle et la plus lumineuse.

Dieu étant le lieu de tous, alors l'homme n'est plus lié aux " lois ", mais les réfute, n'est plus lié à l'injustice mais s'en scandalise, n'est plus impuissant mais souverain... Les maîtres ici sont défaits et l'histoire de leur apparente apothéose est alors l'histoire - dans l'invisible - de la pulvérisation de leurs mentalités de tueurs ; l'apothéose de l'humanité en Dieu s'accomplit lentement, graduellement, dans les catacombes, grâce au travail du secret retrouvé.

Dans l'éternité retrouvée dans le temps, il ni a plus ni " foi " ni " œuvre ", mais il y a l'intégrité du moi, elle aussi retrouvée. Elle éclaire pour le moi ses propres urgences, dont la première est de mettre fin à l'envahissement de tout (lui compris) par la pesanteur.

La Révélation répandue par Jésus consiste à indiquer qu'il n'y a pas d' " Au-delà ", que tout est là parce que le lieu est là, et qu'ainsi l' " enfer " - la " mort " ! - est essentiellement ce monde, dont, en niant le lieu, l'homme a fait un " En deçà ".

Le Royaume est une réalisation parfaite du mot " amour ".

Le lieu est pur paradoxe : il est là sans être là parce que l'homme est l'homme sans être l'homme. Il faut visualiser le prochain dans le lieu alors que le prochain se croyant hors du lieu, sa croyance fait apparaître partout sur le lieu et comme à sa place, le non-lieu qu'est la réalité actuelle.

La charité n'est véritable que lorsqu'elle est le scandale de manifester lieu à des êtres humains qui croient férocement à l'impossibilité du lieu.

Donner, dans le Royaume, c'est participer en créateur de l'abondance divine.

Alors se révélera non pas un cercle nouveau où les pauvres seront le centre, mais un cercle nouveau où chacun, hors de toute détermination sociale, sera un centre.

Se heurtant à cette foi fausse et à la réalité fausse, la charité scandaleuse et vraie se donne pour but non pas de faire de l'homme le générateur du lieu, mais de faire du lieu le régénérateur de l'homme.

Le monde véritable, monde pour l'homme, rendu par là invisible, se rabougrit jusqu'à n'être plus en nous que ce point d'intuition, où, percevant le secret de notre singularité, nous le refoulons complètement et lui accordons la place la plus misérable, la seule que l'ordre visible, déterminé par le meurtre, lui accorde ; voici le moi, ce prince dépossédé de son royaume, et, mendiant, tendant la sébile de ses renoncements.

Dans le Royaume, passé, présent, futur, ne sont plus des temps chronologiques, mais constituent un présent existentiel, lieu de l'avènement de l'humanité où le devenir temporel a laissé la place à la mobilité existentielle.

Santé/Nature.

Le corps actuel est une infirmité insigne, et à supposer que 'humanité entière devienne encore plus infirme que ce qu'elle est aujourd'hui, strictement rien ne serait changé, le degré actuel d'infirmité ou de bon fonctionnement des organes déterminant une santé globalement malade dont le corps de mort, en bon ou en mauvais état, est la manifestation totale. Ce n'est pas la maladie qui est malade, c'est la santé qui est malade. Ce n'est pas la mort qui est mortelle, c'est la vie qui l'est.

La honte d'être son propre moi enferme chacun dans une cage de verre à sa mesure exacte, aux parois imbrisables : ce sont les parois de la cage que chacun tient pour la réalité. Lorsqu'un homme, échappant à la honte, échappe à la cage, il se heurte à une humanité qui est captive de la cage : celle-ci, fonctionnant en catégorie d'expérience, est métaphorisée par la totalité de l'espace-temps : toute la création est métaphorisée par l'expérience de la honte.

La cruauté de la Nature à l'encontre des hommes n'a d'égal que la cruauté des hommes à l'encontre du Royaume.

Le cancer est le point de rencontre s'effectuant à l'intérieur d'un corps humain, de la nature existentielle et de l'anti-nature que l'homme, pour sa perte, construit et pose perpétuellement à la nature existentielle. Comme la vieillesse, la mort et les autres maux il indique la violence et la cruauté du processus d'exil que nous déclenchons et entretenons nous-mêmes, en renonçant à effectuer le Retour à la nature existentielle.

Pour nous opposer le plus efficacement possible à la maladie (ainsi qu'à la vieillesse et à la mort), il convient d'abord que nous émancipions notre volonté et que nous découvrions que nous sommes immortels. Cela demande que nous arrêtions de justifier d'une façon ou d'une autre la pesanteur. Echappant alors à la mauvaise nature, nous devenons conscients de notre liberté scandaleuse et que ce scandale déclenche contre la pesanteur, le processus de la rédemption. Mais, malgré cette extraordinaire récupération de souveraineté, nous ne serons pas pour autant à l'abri de toutes les horreurs. Nous ne serons entièrement libérés de la pesanteur que lorsque la rédemption se sera produite.

La " maladie " est banalisée dans le même temps que l'individu est escamoté, ceci expliquant cela. En nommant la nécessité, l'homme la suscite. En nommant la " maladie " il la suscite aussi. L'irréel étant nommé, le Vide est symboliquement évacué, et il ne reste plus alors - en apparence du moins - aucune possibilité de faire appel à lui. Qu'énoncent ces catégories de la science et de la médecine ? tout le contraire de ce que vous ressentez de plus inouï en vous-mêmes ! Elles énoncent les certitudes mortelles qui vous condamnent au Néant, tandis que vous sentez obscurément que vous êtes des créatures éternelles .

La nécessité c'est ce qui n'existe pas, et c'est ce qui n'existe pas que nos hypocrites font exister, et nos médecins sont des sbires de la nécessité et des adorateurs de l'irréel.

La maladie indique toujours un drame de la violence et de la cruauté humaines ; elle donne le spectacle de quelqu'un qui est tombé dans les sables mouvants que sont ses frères et qui en est inexorablement aspiré.

La maladie est à l'intérieur du malade le travail de l'idolâtrie universelle à laquelle le plus souvent il participe lui-même.

Les " corps " eux-mêmes, étaient corruptibles, non par nature, mais en tant que lieu d'un processus interne à nous-mêmes auquel nous croyions être irréductiblement liés parce que la peur dont résultait ce processus était elle-même corruptrice : sans la peur, les " corps " recouvrant l'incorruptibilité, s'allègeraient aussitôt : les sujets redeviendraient légers et plus aucune dychotomie ne viendrait troubler leur harmonie vivante avec une réalité qui, à son tour libérée de la peur, serait alors joyeuse et amicale, merveilleuse et divine protectrice et non agressive.

L'homme sombra dans un lourd sommeil parce qu'il était devenu servile et mortel. En se réveillant il avait perdu le souvenir de sa première splendeur. La création sur laquelle il ouvrait les yeux était l'antithèse exacte du royaume. C'était le royaume, mais pétrifié par sa pesanteur, et comme secrètement incarcéré dans une série de " lois ", qui figuraient la plus grande justification de l'impuissance à laquelle il avait consenti lorsqu'il avait renoncé à se nourrir de l'arbre de vie. Faisant pour la première fois l'expérience de l'agressivité des " lois " de la nature, qui consacraient l'exil et la négation du royaume, il se servit d'elles comme si elles prouvaient l'impossibilité de la liberté. Il leur conféra en les divinisant le caractère de l'absolu, tandis qu'il se le retirait à lui, homme. C'est ainsi qu'il crut avec une foi insincère mais qui entraînait des dégâts immenses, qu'il n'avait aucun droit à une liberté sans limite, que sa condition consistait avant tout à obéir aux " lois " et à s'y adapter. " Les lois de la nature sont le principe du Devenir cosmique, et je n'existe moi-même qu'en tant que parcelle du cosmos sur-déterminée par ce devenir ".
Il demandait à la Nécessité qu'il venait de produire en admettant la supériorité des " lois " sur lui qui il était et elle répondait en lui attribuant un statut conforme à son évaluation fausse de lui-même et de la réalité :
" Tu es une partie non autonome de la réalité dont j'exprime l'infrastructure dynamique et immuable. Ta liberté consiste à te prosterner devant moi. Je sui le Bien : je suis Dieu ! Bénis le fait de te prosterner car là réside ta véritable grandeur. Voici : je te révèle quelle est la relation la plus haute avec la réalité : c'est la fatalité. Aime la fatalité. Bénis la logique, recherche et trouve ce qu'il y a de plus divin dans les limites de la logique. Tu n'existes qu'en proportion de ton degré de soumission devant moi. Toi tu n'es rien, moi je suis tout. Et en effet, je suis le Tout. "...

L'homme n'était plus alors que cet esclave de la Nécessité à qui la Logique pour le contraindre à obéir administrait en toutes circonstances d'épouvantables coups de fouet. Elle qui l'incarcérait et le frappait ainsi remplaça le royaume où il avait cependant sa place, et où la tendresse désormais inimaginable du Vide l'attendait....

Vide/ Légèreté/ Liberté.

Le Vide et non le néant est le lieu de l'homme.

Dans le " néant " rien n'est possible, dans le Vide tout est possible.

La tendresse est l'enveloppe de la terre, mais cette enveloppe est invisible. Le deuil est la funeste émotion de l'humanité, son crime le plus humain, son meurtre le plus secret, sa haine la plus chaste, sa fureur la plus innocente, son malentendu le plus aberrant, sa pudeur la plus aveuglante, sa passion la moins visible. Et ce qu'indiquent les larmes c'est que l'homme s'est détourné de Dieu et qu'il ne croit plus suffisamment en la joie.

Témoigner pour la joie c'est témoigner que tout est possible.

La joie est le lieu du monde.

La légèreté où tout est situé n'est pas évaluable, elle n'est pas évaluable parce qu'elle est adorable.

Les deux termes de la liberté sont le Dieu Vivant et l'homme libre.

Le progrès véritable c'est l'avancée individuelle dans l'inconnu.

Rien de ce qui est merveilleux n'est impossible.

Le merveilleux est la foi, la foi est la liberté.

Dans le vide tout est vivant, particularisé, et communie. Chacun est tout en tous.

La légèreté est a-logique.

De même que la réalité véritable, Dieu, à la racine de la création entière et de chaque créature, était essentiellement liberté et vie, et, écrasé par la pesanteur humaine, Il était dans sa prodigieuse et continuelle Attente, le grand Présent-Absent, de l'histoire : Il était là où nous étions mais l'ignorance que nous étions là où Il était avait inscrit dans la réalité entière la distance faussement infranchissable qui nous séparait de Lui. Tout était donc possible à l'homme, puisqu'à y regarder de près, la liberté parfaite était le Lieu du monde. L'impératif unique était de nous alimenter directement à la liberté, à cette source, à cette merveille d'entre les merveilles, à ce miracle d'entre les miracles.

Tout était splendide et lumineux certes, mais malgré cette luminosité transfiguratrice, la réalité était encore dure, violente, énigmatiquement agressive : pourquoi, si la liberté était la clef de l'univers, la mort était-elle perpétuellement à l'oeuvre ? Pourquoi tant de malheurs, tant d'injustices ? Pourquoi tant d'énigmes ? Une réalité parfaitement digne de la lumière devait être une réalité sans injustice, sans mort : pourquoi donc, justes et iniques, devions-nous connaître la mort et vivre d'une existence inexplicablement fatale ?

Ici encore, pourtant, la liberté comportait la réponse à toutes les questions ; et comprendre la mort est donné à l'homme, à condition pourtant qu'il l'interroge sans inscrire dans sa question les données de la réalité telle que sa croyance en la perpétuité de la mort les lui présente. Il fallait interroger la mort depuis cet autre lieu où règne la liberté première et elle seule. Il fallait non pas se demander pourquoi, la mort étant inéluctable et perpétuelle, nous mourrions, interrogation qui menait inéluctablement à la sacralisation de l'absurde et du néant et qui était celle des philosophes et des savants ; mais il fallait renverser complètement la question et exprimant l'audace de dire " Je ", la formuler ainsi : " Etant donné que " je " suis immortel, de même que tous les êtres, pourquoi mourrons-nous ? " - et là, la réponse allait de soi : étant immortels, nous étions tous par vocation imprescriptible dans la réalité-sans-mort : cette réalité, lieu de la liberté parfaite, était aussi le seul lieu où la liberté pouvait se perdre : en la perdant, nous construisions une limite, symbole et objectivation de la perte de la liberté, et cette limite prenait forme dans la mort : ensuite, nous faisons directement l'expérience de cette limite, et l'intériorisons en la justifiant contre nous-mêmes dans la croyance en l'inéluctabilité de la mort : celle-ci, création de la peur humaine, s'assurait une domination entière sur l'homme ainsi que sur tous les êtres, et l'homme, qui entretenait cette croyance, était, à son insu, le seul générateur de la mort.

Tout ainsi était posé sur la légèreté originelle et seule, la perte humaine de la liberté nous condamnait à la mort.

Je prenais conscience avec une intensité insupportable que la réalité-logique était de la négation-d'homme et que j'étais donc placé au-delà d'elle, qu'il me fallait maintenant entrer complètement dans cet autre lieu a-logique et merveilleux qui me faisait signe dans la nuit, et qui n'avait rien à voir avec ce que j'avais jusqu'ici tenu pour la réalité.

Mon esprit ne fonctionnait plus du tout de la même manière : simplifié et pacifié, il saisissait sans médiation la réalité première et a-logique ; ne fabriquant plus de représentation, il entrait en contact joyeux avec les créatures particulières et avec une création que plus aucun symbole synthétique (ce qu'était l'Etre logique des savants et des philosophes) ne déterminait plus : la liberté individuelle, et sa magnificence scintillait sous mes yeux. Tout devenait splendide, vibrant, musical, harmonieux, transfiguré, inouï, réel.

La légèreté est secrète : sa spontanéité est fulgurante, son horizontalité absolument verticale, sa beauté immobile et plus rapide que la lumière.

La liberté de l'origine retrouvée fait de nous les maîtres des lois de la nature.

Une fois le mur détruit, brisé, volatilisé, il n'y aura rien d'impossible pour nous, parce que nous aurons pénétré dans le Vide que rien ne détermine et qui est essentiellement de la liberté-pour-l'homme.

En effectuant le retour à son véritable lieu, l'humanité s'affranchissant de la pesanteur, s'affranchira des " lois ", et obtiendra la confirmation de sa plus profonde intuition - son indestructibilité - bafouée, ridiculisée, refoulée, trahie enfin.

Elle (la Nécessité), qui l'incarcérait et le frappait ainsi remplaça le royaume où il avait cependant sa place, et où la tendresse désormais inimaginable du Vide l'attendait.

Le Vide étant essentiellement Amour, quoique exilé avec le Royaume, restait attentif au drame et s'efforçait de préserver en toutes circonstances les conditions indispensables à la rédemption.

Oublier que tout est miracle, c'est oublier que tout se passe dans le Vide où tout est liberté ex-nihilo et réalité sans mort. Cet oubli, c'est l'Exil dont résulte la matière. Et ainsi, la matière est un miracle négatif de l'homme dont Dieu et absolument irresponsable ; la matière étant le produit de l'amnésie individualisée est aussi le lieu de l'amnésie collective, elle a pour fonction de vider la mémoire de l'Origine et de la condamner à annexer en les désintégrant la réalité et les évènements de nos vies.

Tout était donc possible à l'homme puisqu'à y regarder de près, la liberté parfaite était le lieu du monde. L'impératif unique était de nous alimenter directement à la liberté, à cette source, à cette merveille d'entre les merveilles, à ce miracle d'entre les miracles.

Vie/ Fin/ Rédemption.

Pour qu'un miracle se produise (et vivre est un miracle), il faut une prière sincère et folle, et il n'y a pas d'autre prière sincère et folle que de croire en la vie plus qu'en la mort, que de croire, au-delà du cadavre, à l'indestructabilité de chaque personne.

Le devenir a-logique du monde est la rédemption.

Est inspiré celui qui ne dissocie plus le ciel de la terre.

La Fin, désormais inconcevable est renoncée au profit d'une immédiateté qui fait obstacle à la venue de la Fin.
Connaître le Royaume signifie participer.

Il faut combattre ce monde par le dévoilement de la Légèreté.

Le lion et la brebis, à la fin, iront paisiblement ensemble ; cela signifie que tout est disposé, depuis l'origine, pour que la logique carcérale s'évanouisse. Cela dépend de l'humanité seule.

Le Pardon, dans le sens où je l'entend, consiste d'abord dans la connaissance que, quoi que fasse un homme contre un autre, il le fait à partir du vice mental qui lui fait méconnaître qu'il est dans le royaume.

Le Pardon consiste d'abord dans une lecture du crime et du criminel selon le Royaume.

L'avenir est un présent dans l'Eden qui se réalise dans l'histoire selon le rythme de l'entrée individuelle et collective dans le monde de la fin, entrée qui, lorsqu'elle sera entièrement effectuée, supprimera la mort.

L'attente, c'est le miracle d'être exaucés.

Si vous demeurez intègres dans votre exigence de vie autonome, tout vous sera donné, soit instantanément par le miracle, soit à la fin lorsque vous récolterez les fruits de votre attente.

L'avenir de chaque homme est sa présence à la Fin, et sa volonté plus au moins audacieuse (et à ce titre plus au moins libre et active) d'agir la Fin.

Il n'y a aucun motif de désespérer si la durée s'avère grande, voire terriblement grande : si grande soit cette durée, elle est finie : tout est " déjà " arrivé.

Vivants.

 Un vivant est toujours un assassin tant qu'il croit que les morts sont morts ; maintenant ils le tuent avec leur émotion.

Comme une lampe qui s'éteint, le coeur de chacun de ces êtres, soufflé par

s'éteignait au spectacle du cadavre.

Ah si les vivants ne se regardaient pas en regardant le mort, s'ils brisaient le miroir et regardaient enfin le mort, il en irait certes autrement. Car la mort n'est la maladie de la terre, que parce que l'homme est la maladie de l'homme. Ah si les pleureurs innombrables chantaient enfin la vie.

Cette foule était coupable du plus noir des péchés : elle demandait à la mort ce que Dieu seul peut donner. C'est là un lourd péché qui écrase celui qui le commet. Malheur à celui qui demande à l'inertie arrogante ce qui n'appartient qu'à l'Esprit.

Chacun de ces êtres demandait non pas la vie pour tous, mais qu'il fût épargné par la souffrance, et son terrible crime c'était que devant la détresse du mort, il ne se préoccupait pas un seul instant, de préparer sa résurrection.

Ah ! si les vieillards chantaient enfin le corps nouveau, si les coquettes chantaient enfin les ardeurs éternelles, si les amants chantaient enfin l'amour indestructible. Ah ! Si l'on renversait la mort en transfigurant la vie ! Ah ! si chacun enfin s'offrait joyeux aux splendeurs de la terre.

Ah ! Si devant chaque mort tout vivant voyait un ressuscité au lieu de se voir lui-même transformé en cadavre ! Ah ! si nous inversions le travail du deuil, et si nous le métamorphosions en travail joyeux de la résurrection ! Ah ! si nous avions foi en la vie, comme la vie aurait foi en nous et comme la mort nous quitterait alors rapidement.

Ce troupeau de damnés accepte de mourir.

La mémoire a perdu le secret de l'origine, et l'imagination a perdu le secret de la fin.

La terre est une maladie de l'homme, et l'homme est malade de la mort.

Plus personne ne sait plus que l'homme est immortel, et l'art de vivre est devenu l'art de mourir.

Devant une telle injustice (...), il n'y a qu'une réponse : mourir dans la haine en tuant dans la volupté ; c'est ce qu'ils font tous, les pleureurs patentés que terrorise la vie.

Le coeur vaincu de l'homme ne sait plus ce qu'est l'amour. Le cœur glacé de l'homme est un vaincu déchirant qui a renoncé à faire des résurrections. Il y a beaucoup de mélancolie sur cette terre, et un pessimisme plus noir que l'encre de seiche, plus amer que le fiel s'est répandu partout.

Si un seul instant chacun renonçait à la mort comme l'on renonce à un vice, plus personne ne mourrait.

Les convois qui emportent les morts vers les cimetières sont des paraboles mobiles de notre destinée.

L'homme a perdu le secret de sa vie. Il ignore qu'au delà de sa mort est la rédemption.

Pas plus qu'ils ne voient les vivants, ils ne voyaient le mort ; ils ont renoncé à leur salut en renonçant à communier avec le mort, en le croyant mort à jamais.

Ah ! ce que les vivants redoutent plus que tout, c'est que les morts ressuscitent.

Ce qu'ils abominent plus que tout, c'est le fulgurant démenti que la vie donne à la matière.

Quand apprendrons-nous le miracle de vivre, quand serons-nous enfin capables non de pleurer les morts, mais de les ressusciter ?

Les vivants et les morts sont dans le Royaume.

Devant cette tendresse close et désormais privée de ses ardeurs, devant le pauvre mort, eux, les vivants, se livraient en pleurant, unanimes, au psychodrame insupportable de leur propre agonie. C'est qu'elle durait depuis longtemps leur agonie : depuis exactement le jour de leur naissance, et elle était destinée à durer jusqu'au jour de leur trépas.

Les vivants depuis leur premier jour étaient mourants. Leur agonie comme un lit où est étendu un dormeur, les dépassait de quelques centimètres au-dessus de leur tête et au-dessous de leurs pieds, et transformait leur séjour sur la terre en un séjour de misère. Les vivants, en vérité, impossibles à distinguer du mort, se projetaient sur lui.

Ils le regardaient tous, juste devant eux, si éloigné et si proche d'eux, si fatalement ailleurs et si évidemment ici, place forte désertée par ses troupes, absence dans une absence, signe peut-être que rien ne fût en même temps que rien n'est.

Car s'ils avaient aimé le mort, c'est pour eux-mêmes, non pas pour lui.

C'est ainsi que l'amour de l'homme pour l'homme est la plus fatale des malédictions.

Zen.

Le Zen est une idolâtrie du Vide.

Parce que le Zen ne se double pas du projet de subvertir les idolâtries, le zen s'adapte au monde tel qu'il est, accède à son au-delà, et renonce à la subversion.